OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Hollande mise mal sur le CAC http://owni.fr/2012/03/08/hollande-fluctue-avec-le-cac/ http://owni.fr/2012/03/08/hollande-fluctue-avec-le-cac/#comments Thu, 08 Mar 2012 17:23:07 +0000 Equipe Véritomètre http://owni.fr/?p=101344 OWNI a retrouvé les bases de données à l'origine de ses déclarations sur le sujet, qu'il utilise en se trompant. Au classement de la crédibilité des candidats mesurée par Le Véritomètre d'OWNI-i>TÉLÉ, François Bayrou décroche lui la lanterne rouge.]]>

Ce jeudi 8 mars à 18 heures, l’indice de crédibilité du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de toutes les déclarations chiffrées des candidats, a connu une petite révolution. Alors que Marine Le Pen avait conservé la dernière place du classement depuis le lancement du Véritomètre, la voilà détrônée par François Bayrou, qui recueille la plus mauvaise note avec 43,5% de crédibilité dans ses références. Eva Joly conserve elle la tête du classement avec 68,9%. Au cours des dernières 48 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 56 citations chiffrées des candidats à la présidentielle. Résumé des principaux éléments.

François Hollande mélange ses données

Il est fort probable que le candidat du Parti socialiste ait reçu un résumé de l’étude d’une société de conseil dédiée aux investisseurs, Proxinvest. Dans son dernier rapport sur la rémunération des dirigeants du CAC 40, Proxinvest livre des chiffres que François Hollande aime distiller, mais aussi faire varier selon ses interventions médiatiques. Première occurrence lors de son discours de Rouen, le 15 février dernier :

Où est le respect du travail quand les patrons du CAC 40 s’augmentent de 34 % pour une rémunération moyenne de 4 millions d’euros par an – 240 années de Smic?

François Hollande la reprend ensuite dans son discours du Mans du 23 février :

Je sais aussi que les patrons du Cac 40 gagnent 240 fois plus que les smicards

Tandis que lors de son intervention à “Parole de candidat” sur TF1 le 27 février, la rémunération moyenne des dirigeants a été divisée par deux :

J’ai appris l’augmentation considérable des revenus des patrons du CAC 40 : deux millions d’euros, en moyenne. Par mois.

Deux jours plus tard, le 29 février sur RTL, les mois sont devenus des années :

Que les patrons du CAC 40 aient pu s’accorder 34 % d’augmentation en 2010 (…) pour atteindre des revenus moyens de plus de deux millions d’euros dans l’année [pour les patrons du CAC 40]

Or la lecture détaillée du rapport de Proxinvest apporte quelques précisions, voire corrections. La rémunération des dirigeants – qui serait alternativement selon les différentes versions citées par François Hollande, de 4 millions par an, de 2 millions par an ou de 2 millions par mois -, le rapport précise que :

Les quarante dirigeants du CAC 40 ont bénéficié pour 2010, d’une hausse moyenne de 34 % de leur rémunération pour un montant moyen de 4,11 millions d’euros. (…) les présidents exécutifs des 80 autres sociétés de l’indice SBF 120 auront vu leur rémunération totale atteindre elle 2,08 millions d’euros.

Le chiffre de 34 % d’augmentation est donc correct, mais d’une part, il ne concerne que les quarante dirigeants du CAC 40 ; et d’autre part l’étude précise elle-même

Ces chiffres sous-évaluent toutefois la rémunération totale puisqu’ils n’incluent pas le complément de retraite sur-complémentaire dont ils bénéficient presque tous sans informer sur leur coût pour l’entreprise.”

Selon Proxinvest la rémunération fixe ne représente même que 27 % de la rémunération totale.

Enfin, l’équivalence de la rémunération des dirigeants avec les 240 années de SMIC ne concerne que 11 des 40 dirigeants du CAC40 : François Hollande exagère les conclusions du rapport Proxinvest.

La dualité de Mélenchon sur le SMIC

Le candidat du Front de gauche connaît le montant actuel du Smic (Salaire minimum interprofessionnel de croissance), dont il a fait de l’augmentation à 1 700 euros mensuel brut un point clé de son programme. Ainsi, évoque-t-il lors de son discours de Rouen du 6 mars :

80% du Smic, c’est en-dessous du seuil de pauvreté.

Chiffre qu’il cite également sur l’émission “Des paroles et des actes” le 23 février dernier ; et chiffre exact : le Smic se situe au 1er janvier 2012 à 1098,28 euros.

80% du Smic correspond donc à un montant de 878,62 euros, montant inférieur au seuil de pauvreté de référence utilisé par l’Insee – qui s’élève à 954 euros.

En revanche, lors de l’émission Parole de candidat sur TF1 lundi 5 mars, Jean-Luc Mélenchon se révèle moins précis sur l’historique du salaire minimum :

En 1968 nous l’avons (le Smic) augmenté de 31% en une nuit ; en 1981, nous l’avons augmenté de 25% ; là l’augmentation que je propose représente 21%”

Aucune des augmentations évoquées par le candidat n’est exacte : en 1968, les Accords de Grenelle actent une augmentation du Smic de 35 %. En juillet 1981, le gouvernement Mauroy vote une hausse du Smic de 10 %.

Quant à l’augmentation proposée par Jean-Luc Mélenchon, elle envisage de faire passer à 1 700 euros le Smic mensuel brut, qui se situe actuellement à 1 398,37 euros. Soit une hausse de 17,7 %… et non 21%, comme le candidat du Front de gauche le suggère.

Marine Le Pen perd le Nord en Picardie

Le temps d’une citation lors de l’émission de TF1 “Parole de candidat”, Marine Le Pen aura fait de la Picardie un emblème : celui des déserts médicaux. En effet :

En Picardie, ça doit être 230 médecins pour 100 000 habitants

La Picardie a en effet, selon l’Insee, le plus faible ratio de France métropolitaine. Mais il est plus élevé que celui évoqué par Marine Le Pen : la Picardie compte 255 médecins pour 100 000 habitants.


Retrouvez toutes nos vérifications sur Le Véritomètre et nos chroniques et articles relatifs sur OWNI.
Illustration par Loguy, mix par Ophelia Noor /-)

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Moine-reporter: le bénévolat comme business model http://owni.fr/2011/05/19/moine-reporter-le-benevolat-comme-business-model/ http://owni.fr/2011/05/19/moine-reporter-le-benevolat-comme-business-model/#comments Thu, 19 May 2011 16:47:25 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=63201

Mon invité du jour est suisse et aime l’art du contrepied (rien à voir je sais ;). Alors que les blogueurs réclament salaire au même titre que les journalistes envers et contre l’économie de la gratitude – Guillaume Henchoz, plus connu des pratiquants de Twitter sous le pseudonyme de @Chacaille défend lui l’idée que l’on peut pratiquer le journalisme comme un art monastique et bénévole, en parallèle -et non en marge- d’une activité salariée. Cela ne plaira pas forcément aux professionnels de la profession repliés dans un corporatisme qui n’a pas vu venir, avec l’internet, la révolution de l’information par tous et pour tous. Mais Guillaume a la foi communicative et l’enthousiasme des moines-soldats. Enseignant de métier à Lausanne, il est lui même blogueur et rédacteur en chef d’ “ITHAQUE”, un joli projet de journal associatif animé par des journalistes bénévoles, professionnels ou citoyens, avec du réel, du gonzo et de la BD dedans. Le premier numéro de cette revue journalistique au long cours (quatre numéros par an) qui entend aller “moins vite et plus loin”, paraîtra début juin sous la forme d’un beau berlinois de 20 pages papier. J’ai décidé de m’embarquer dans l’aventure en livrant une chronique en forme de charge contre le journalisme “civilisé”: “Nous sommes les nouveaux barbares de l’Info”. Mettant en application sa conception de l’économie du troc conventuel, Guillaume m’a offert en échange ce billet sur la figure du moine-reporter que vous allez lire et commenter de ce pas !

C’est un petit encadré de rien du tout dans le magazine de l’Association suisse des journalistes (Edito), qui m’a fait d’abord tousser, puis réfléchir. “ITHAQUE”, un journal foutraque et gonzo que l’on s’apprête à lancer entre amis (pros ou non), y est épinglé au titre que ses rédacteurs ne sont pas rémunérés. “L’avenir dira si le bénévolat est lucratif pour un journal – pour le métier de journaliste, c’est plutôt la mort!- Et si ça fonctionne longtemps !”, conclut l’article. Guts ! Passons rapidement sur le fait qu’une publication qui tire à 3.000 exemplaires quatre fois par an puisse faire tiquer à ce point la profession et concentrons nous sur l’essentiel : derrière cette critique du bénévolat, il y a quelque chose de fondamental. Un vieux réflexe corporatiste qui me froisse horriblement. Parce que je ne me paie pas, je serais donc incapable de produire un travail journalistique de qualité ? Et en prime j’aurais la mort de toute une profession sur le dos ? Passées les premières crispations engendrées par la lecture du petit article, je me suis demandé comment je pouvais illustrer et expliquer simplement mon mode de fonctionnement. C’est ainsi que l’image du moine-reporter m’est apparue. Une vision, quoi.

Notre abbatiale

“ITHAQUE” fonctionne un peu sur ce modèle. Un groupe de reporters s’est formé, dont certains exercent d’autres activités que le journalisme. Il y a également des journalistes à temps partiel et des journalistes indépendants, qui complètent leurs revenus avec des petits boulots à droite et à gauche. Le canard constitue un peu notre abbatiale. On s’y retrouve pour communier quatre fois par année. Notre credo, “moins vite, plus loin”, nous permet d’avancer pépère, de gratter ce qui nous démange et de chercher des poux dans la tonsure de qui on veut, en prenant le temps d’effectuer de longs articles.

Le moine-reporter prend place parmi les figures qui sont apparues récemment dans la pratique journalistique, où le fait de posséder ou non une carte de presse n’est pas (plus ?) déterminant. Je pense ici au “journaliste-citoyen” (ouille, le gros mot) ou encore à nos petits copains les “forçats de l’info“. Qu’on le veuille ou non, la personne qui tient sa chronique idéologiquement prescriptive, celle qui publie les pévés du Conseil général de sa commune sur son blog et l’autre là, qui bâtonne des dépêches toute la journée, font partie du paysage. Oui, vous avez raison, c’est un peu plus compliqué que cela : il y a d’excellents journalistes-citoyens et de brillants reporters de desk. Il y a même des journalistes d’avant le web qui se mettent à utiliser avantageusement les outils technologiques mis à leur disposition. Mais le constat s’impose de lui-même et on ne va pas trop s’y étendre tant le sujet est ressassé aux quatre coins de la blogosphère : le journaliste historique n’est plus  le seul prescripteur de l’information. Si la Toile a d’abord offert des tribunes à quiconque le souhaitait, elle a ensuite permis à de nombreuses personnes, dont je fais partie, de se bricoler une sorte de formation.

Pratiquer le journalisme… et autre chose

En lisant, en écrivant, en bidouillant, en échangeant, je me suis petit à petit formé à la pratique du journalisme. J’ai appris à réaliser des entretiens, brosser des portraits, lire entre les lignes un communiqué de presse, partir sur le terrain, tout cela grâce et à travers le web. Je n’ai jamais fréquenté une école de journalisme et n’y mettrai certainement jamais les pieds. Oh, bien sûr, je fréquente des journalistes – j’ai même fait deux gosses à une reporter encartée – mais je plaide la bonne foi : tout a commencé avant que je ne la rencontre. Les mauvaises langues diront que je fais du journalisme par les marges. Ce n’est pas mon sentiment. En fait, le journalisme est au cœur de mon activité professionnelle. J’ai juste un business plan un peu compliqué.

Pendant mes études, je me suis frotté à la rubrique culturelle du journal de mon université. J’ai aussi fait de la radio sur le campus. Par la suite, j’ai pigé pour un magazine spécialisé dans les médias – le même qui nous tombe dessus aujourd’hui – et j’ai tenu un blog qui reste un peu en friche depuis que je me suis lancé dans l’aventure d’”ITHAQUE”. J’ai toujours pratiqué le journalisme et autre chose : des études, un travail de libraire, puis mon boulot d’enseignant. Je ne me considère pas comme un journaliste-citoyen à proprement parler, parce que je ne défends pas une idéologie particulière. Les convictions qui m’animent et le drapeau que j’agite ne concernent que la pratique journalistique que je souhaite défendre : de la lenteur, une focale assumée et identifiable pour le lecteur, le récit d’histoires vraies telles qu’elles se sont offertes à mes sens. Honnête à défaut d’être objectif. Artisan-moinillon plutôt que chevalier blanc de la profession.

Quand d’autres cherchent à percer dans les rédactions quitte à bouffer du desk, circoncire des dépêches ou encore engloutir un reportage en 3.000 signes, j’opte pour un modèle différent. Je trouve de quoi boucler le mois dans une activité professionnelle à taux réduit, mais qui rapporte (enfin…en Suisse, parce qu’en France les salaires d’enseignant ne sont franchement pas folichons…) et qui me laisse le temps de travailler sur de longs reportages. Mes sujets, je les choisis. De l’angle au nombre de signes. Des illustrations à la police. Je fais ce que je veux. Ce que j’aime. Je prends mon temps. Je l’ai souvent fait pour le web, et maintenant, je m’apprête à transposer cette pratique sur “ITHAQUE”, sur du papier.

Mon obole pour pratiquer ce métier

A y regarder de près, ce modèle journalistique d’un nouveau genre est déjà en vogue dans de nombreux autres secteurs avec lesquels notre journal collabore. On ne demande pas à un écrivain de s’adonner exclusivement à l’exercice littéraire. De nombreux plumitifs ne se frottent à la littérature qu’une fois complies passées. De même, n’importe quel dessinateur vous confessera avoir travaillé à la poste ou comme livreur afin de pouvoir se dégager un salaire décent. Le monde de l’édition, de la littérature à la bande dessinée, ne fait vivre qu’un petit cercle d’auteurs. Les autres doivent s’inventer des modèles économiques où il est question de travailler en mercenaires ou d’exercer une activité complètement déconnectée de leur travail d’écriture ou de dessin. Pourquoi ne pourrait-on pas user de ce modèle dans le journalisme ? Si c’est le prix à payer pour exercer une activité journalistique en marge des médias mainstream, je m’acquitte volontiers de cette obole !

Frater Guillaume


Article initialement publié sur Sur Mon Ecran Radar.

Photos Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification par Roy Stead et PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par Fergal Claddagh

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http://owni.fr/2011/05/19/moine-reporter-le-benevolat-comme-business-model/feed/ 5
Le modèle Beezik décortiqué http://owni.fr/2011/02/14/le-modele-beezik-decortique/ http://owni.fr/2011/02/14/le-modele-beezik-decortique/#comments Mon, 14 Feb 2011 11:00:07 +0000 Caroline J. http://owni.fr/?p=30268 Caroline J. vit au Québec et écrit sur le blog EntertainD

Aujourd’hui, je vous présente un petit bijou d’Internet que j’ai découvert et qui, selon moi, représente une véritable révolution dans le monde de la musique: Beezik . Enfin un concept qui ravit tout le monde : une plateforme de téléchargement de musique gratuite ET légale !

L’entreprise naît en 2009 d’un constat très simple : depuis 10 ans, les internautes rechignent à payer pour l’achat de musique. Beaucoup de sites d’écoute de musique apparaissent, mais cela oblige toujours les utilisateurs à rester connectés devant leurs ordinateurs. Ainsi, pour se démarquer, les fondateurs de Beezik ont choisi de miser sur la portabilité des morceaux en créant le premier site de téléchargement de musique entièrement gratuit et légal. Mais comment rentabiliser le site sans faire payer l’utilisateur?

Publicité : oui, mais pas n’importe comment !

Toujours la même recette : la publicité. Mais avec modernité et originalité !
1) une première publicité audiovisuelle apparaît pendant le téléchargement, mais pas n’importe laquelle : celle que vous aurez choisie auparavant parmi les 4 marques qui vous auront été proposées (et il y en a pour tous les goûts!) ;
2) une fois sur votre ordinateur, une publicité fixe de la marque choisie est accolée à l’image du titre extrait ;
3) cette même publicité apparaît sur tous les supports d’écoute où le morceau est exporté (dont la nouvelle application pour iPhone et iPod), car les fondateurs ont optimisé le téléchargement pour proposer des titres sans DRM.
4) et comme si cela ne suffisait pas, à la fin de la procédure, vous êtes récompensé de 0,30€ à dépenser chez les sites transactionnels partenaires.`

Le revers de la médaille

La majorité des revenus du site vient des publicités visualisées pendant le téléchargement. Ainsi, pour survivre, le site doit s’assurer de nombreux annonceurs et donc proposer un concept avantageux à ces marques. C’est là que Beezik devient innovant : en plus de choisir votre publicité, le site ne vous laisse que quelques secondes pour confirmer votre téléchargement. Les fondateurs assurent ainsi à leurs clients annonceurs une grande visibilité : la promesse de visionnage complet de la publicité par les internautes incite les marques à signer.

Mais ça ne s’arrête pas là, la visibilité de la marque est renforcée par sa présence en dessous du titre sur chaque support utilisé. Et, bien sûr, comme c’est l’utilisateur qui a choisi la marque publicisée, l’annonceur est certain de rejoindre un public intéressé. C’est grâce à ce concept intelligent que Beezik a déjà réuni plus de 40 marques et non des moindres : Nike, EMI, Mc Donald, Blackberry…
Et ça rapporte gros! A 25 centimes le clic (pour l’annonceur) et avec plus d’un million de membres, il est certain que la jeune start-up Beezik est vouée à devenir une grande entreprise (Source : Techcrunch).
Enfin, la récompense de 0,30€ par téléchargement est aussi, selon moi, une publicité détournée. Après avoir téléchargé plusieurs morceaux (et donc avoir amassé quelques euros), l’internaute est tenté de dépenser la somme acquise chez les sites partenaires. Et Beezik reçoit certainement un pourcentage des ventes pour la redirection des internautes vers ses partenaires, ce qui assure encore une fois la rentabilité du site.

Et les artistes ???

Bien sûr, une partie des revenus est reversée aux artistes et autres ayant-droits (maisons de production…). Mais les spécialistes du domaine restent partagés : les revenus de ce type de commerce ne sont pas aussi importants que ceux de la vente de disques, ou même de la vente de titres numériques. Et les maisons de production commencent à s’interroger sur l’avenir de la musique face au commerce électronique musical de plus en plus populaire.
Les artistes ont déjà envahi le web pour leur promotion : ils sont maintenant présents sur les réseaux sociaux, créent leur propre site, et profitent des nouvelles chaînes musicales sur internet. De leur côté, bien qu’ils aient accepté cette évolution dans la promotion des artistes et de leurs disques, les producteurs ne sont pas encore prêts à transposer cette révolution dans la distribution de leur musique sur la toile.

Beezik pose la question de la viabilité du modèle de téléchargement sponsorisé par la publicité (après le streaming, avec Spotify et Deezer notamment) mais semble pour le moment être une alternative satisfaisante aux plateformes classiques. Il sera intéressant d’observer l’évolution de ce business model dans les mois à venir.

Article initialement publié sur le blog EntertainD.

Crédits photos : FlickR CC allthatimprobableblue

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Quelles perspectives pour la licence globale ? http://owni.fr/2010/11/03/quelles-perspectives-pour-la-licence-globale/ http://owni.fr/2010/11/03/quelles-perspectives-pour-la-licence-globale/#comments Wed, 03 Nov 2010 13:24:33 +0000 Mick Bergeron http://owni.fr/?p=27641 Michael Bergeron est étudiant à l’université de Sherbrooke au Canada, où il travaille sur les liens entre commerce électronique et industrie musicale. Il partage ses réflexions sur son blog, www.mickbergeron.com.

Il nous livre aujourd’hui son point de vue de québécois sur la licence globale.

Petit Québécois que vous êtes, vous ne connaissez peut-être pas le concept de licence globale. Cela provient de nos petits cousins de l’autre côté de l’océan. Une idée pour contrer une fois pour tout le piratage et le téléchargement illégal. Une solution qui serait enfin supportée par le gouvernement concernant l’industrie de la musique. Le concept de licence globale est divisé en 3 mentalités :

1- De type « universelle » : Les fournisseurs d’accès à Internet à travers le monde prélèvent un montant précis à chaque abonné ayant une connexion à haut débit. Que l’abonné télécharge ou non.

2- De type « optionnelle » : L’abonné décide de payer ou non un montant précis. Des peines sévères peuvent être engendrées pour ceux qui téléchargent sans débourser le montant demandé par les fournisseurs d’accès à Internet.

3- De type « à palier » : Un montant à prélever par les fournisseurs d’accès à Internet à travers le monde selon le volume de fichiers téléchargés. Donc, ceux qui ne téléchargent pas ne payent pas et vice-versa.

Licence globale, un beau concept sur le papier

Évidemment, l’idée est intéressante sur plusieurs points de vue : les maisons de disque pourraient rentabiliser la musique et les artistes. Cependant, l’idée ne sera jamais supportée globalement. Pourquoi ? Parce que :

1- Les lois et technologies à travers les différents pays ne sont tout de même pas aux mêmes endroits. Le Canada par exemple est très en retard, en comparaison avec plusieurs pays, sur les lois en lien avec le téléchargement et les droits d’auteurs.

2- Politique + bureaucratie + gestion = problèmes sur toute la ligne. Mettre en place une interface globale demande une énorme capacité de gestion, de temps, de ressources financières et humaines. Bref, pratiquement irréalisable à grande échelle.

3- La redistribution aux artistes est un énorme point d’interrogation. Comment et qui décide du montant qu’un artiste peut recevoir. Il n’a aucun moyen de réellement connaitre la part de chacun des artistes.

4- Des pertes d’emplois… : La licence globale rend désuets et superflus de nombreux postes dans le bout en bout de la création d’un produit musicale. Beaucoup d’artistes ne voudront plus se risquer dans la création physique d’album et même si ce support devient de plus en plus « dinosaure », l’industrie n’est pas prête à s’en débarrasser immédiatement. Alors, c’est toute une industrie qui sera chamboulée et non seulement freinée (en comparaison avec le téléchargement illégal).

Le sujet du moment dans l’industrie de la musique

Comment rentabiliser le tout. L’industrie s’avoue pratiquement vaincu devant le téléchargement illégal, pas seulement ce fait, mais aussi le téléchargement et le streaming gratuit qui prend de plus en plus de place. Alors, comment donner de l’argent à l’artiste, au distributeur, etc. Cela amène donc à avoir des solutions comme la « licence globale », par contre, on se rend rapidement contre que cette solution est invraisemblable.

Steve Jobs, toujours l’homme de la situation ?

Bien que l’idée de base tourne depuis un petit moment sur la toile, la solution que Steve Jobs veut amener permettrait de contrer le piratage tout en monétisant l’industrie. Un montant X par mois pour avoir accès à la totalité de la musique d’iTunes Store. En fait, Apple n’est pas le seul à avoir eu cette idée : Rhapsody, Napster et même le service de Zune permettent déjà d’utiliser ce genre de service. Alors pourquoi Apple fonctionnerait plus que les autres? Parce qu’iTunes est LE grand joueur. Avant tout, iTunes possède près du double de chansons disponible en comparaison avec Napster. Il faut dire aussi que la musique de Rhapsody ne fonctionne pas sur iPod. Ouf.

Licence globale ou pas ?

Non. Du moins, pas pour le moment. Cependant, la proposition de Steve Jobs d’offrir un montant à payer par mois devient déjà plus acceptable et réaliste. Surtout en considérant Apple comme un des plus gros joueurs dans le domaine de la musique maintenant et possède l’influence nécessaire de faire bouger les choses. Au final, un montant pas mois pour avoir la musique illimitée est vraiment intéressant, mais prendra du temps à être vraiment utilisé de façon efficiente et efficace comme modèle d’affaire et de monétisation.

Article initialement publié sur mickbergeron.com

Crédits photos : Mick Bergeron & FlickR CC benadamson TechShowNetwork

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Musique: où est-ce qu’on paie? http://owni.fr/2010/06/21/musique-ou-est-ce-qu%e2%80%99on-paie/ http://owni.fr/2010/06/21/musique-ou-est-ce-qu%e2%80%99on-paie/#comments Mon, 21 Jun 2010 08:41:51 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=19333 La numérisation est un problème pour la musique depuis ses débuts, enfin depuis la seconde moitié années 1980 et l’apparition du disque compact audio. On nous disait que c’était le support miracle, qu’en écoutant Tannhäuser sur CD, on pourrait percevoir distinctement le son des feuilles des partitions et entendre les déglutissements d’Herbert Von Karajan. Un son si clair, si précis, que rien ne nous échapperait, le nirvāna des mélomanes les plus exigeants. Plus miraculeux encore, ce support était immortel. Je dis bien « était », car il ne l’est pas resté bien longtemps.

J’ai pris mon temps avant de venir au CD, car c’était très cher. Mon premier poste avec lecteur de CD date, je pense, du début des années 1990. Si les platines CD étaient hors de prix, les CD audio l’étaient aussi, et ils le sont restés. Je me souviens qu’un disque « 33 tours » valait quelque chose comme trente ou quarante francs alors que le CD audio, qui coûte pourtant moins cher à produire, se vendait au delà de cent francs. Les prix des CD neufs n’ont pas varié. Nous nous sommes cependant vite habitués à ces tarifs extravagants, nous avons reconstitué nos collections (puisque nous jetions nos platines vinyle, il fallait bien retrouver nos albums préférés sur ce nouveau support) et la musique enregistrée a connu une période faste, atteignant sans doute le plus incroyable chiffre d’affaires de toute son histoire, sans que cela profite toujours aux musiciens actuels. Comme l’a dit le batteur Manu Katché (1) :

La politique de certaines majors (…) a été de faire du fond de catalogue pendant des années, rééditant des trucs mille fois entendus, le tout emballé dans de pauvres pochettes faites à la va-vite. Je pense qu’ils ont fait plein d’erreurs et se rendent compte, au final, qu’ils sont en train de perdre leur pouvoir.

Le CD, cher et pourtant insatisfaisant

Pourtant, ce support s’est révélé assez insatisfaisant : même s’ils sont très solides, les CD seront un jour tués par l’oxydation, alors que les 78 tours de mes arrière-grands parents resteront toujours écoutables. Ce n’est pas tout. Les boitiers « cristal », qui sont les plus communs, sont fragiles et se cassent au premier choc. Leurs pochettes sont trop petites et elles ont cessé de nous faire rêver : impossible d’essayer d’identifier tous les personnages qui se trouvent sur la pochette de Sergent Pepper une fois le disque réduit de 60%. Les pochettes des 33 tours véhiculaient toute une culture de la musique que les livrets des CD n’ont jamais su remplacer à mon avis. Quand au son, les spécialistes disent parfois qu’il manque de la chaleur des disques analogiques et qu’il est mauvais dans les aigus, mais il est possible malgré tout que la qualité moyenne d’écoute des disques se soit améliorée depuis le CD, car la plupart des gens utilisaient des tourne-disques de qualité plutôt médiocre.

Pendant les années qui ont suivi, l’industrie a régulièrement tenté d’imposer de nouveaux supports numériques : le DAT, le MiniDisc ou encore le Super Audio CD. Mais la véritable révolution est venue d’aileurs : autour de 1995, il est devenu courant que les ordinateurs personnels soient équipés d’une carte son. Les systèmes « alternatifs » tels que le Macintosh, l’Atari ST ou l’Amiga étaient dotés de cartes sonores depuis longtemps, mais pour les PC dits « compatibles IBM », la chose ne date donc que de quinze ans. Par ailleurs, c’est aussi l’époque où les ordinateurs ont commencé à être équipés de lecteurs de CD-ROM (capables aussi de lire les CD audio et donc de les convertir en formats compactés) puis de graveurs de CD-ROM.

En partant faire mon marché ce matin je suis tombé sur ce CD audio "maison", abandonné sur la chaussée.

Il a fallu attendre encore quelques années pour que cela fonctionne vraiment bien — imaginez qu’à une certaine époque, lorsqu’on lançait un jeu vidéo, il fallait indiquer à celui-ci la marque et le modèle de notre carte son (et malheur à nous si elle n’était pas dans la liste) —, et cette période a correspondu avec l’explosion du réseau Internet, mais aussi celle du format de fichiers MP3 (qui permettait de ramener un titre musical à deux ou trois méga-octets contre une vingtaine pour un titre non-compressé) puis des systèmes d’échanges de fichiers en peer-to-peer : Audiogalaxy, Napster, Gnutella, eMule, BitTorrent, Kazaa, etc.

Puis vint l’échange de fichiers peer-to-peer

Au début, tout était très long et comportait une part de magie : trois personnes dans le monde possédaient un titre musical précis de manière complète, quelques autres personnes n’en avaient que des bribes, et le logiciel nous faisait télécharger un petit bout ici, un petit bout là… Nous sommes tous devenus un peu boulimiques, ne serait-ce que parce que le système était imparfait : pour être sûr d’avoir un morceau, il fallait parfois en télécharger plusieurs versions, dans des qualités diverses, parfois endommagés (à une certaine époque les maisons de disques se sont mises à diffuser des titres intentionnellement altérés, coupés, tronqués, ou, fin 2004, agrémentés d’un message d’Ariel Wizman vantant les mérites de la propriété intellectuelle).

J’ai passé des nuits à regarder des jauges colorées progresser, n’osant aller me coucher qu’à l’aube, à l’instant ou tel ou tel morceau atteindrait les 100%, ou lorsqu’une personne en train de le télécharger chez moi aurait eu fini de le faire, car oui, il s’agit réellement de partage. De nombreux morceaux que j’ai téléchargés n’étaient pas piratés ni volés selon mon jugement : je les avais déjà sur CD ou sur vinyle (j’en avais acquis la licence d’utilisation donc), j’aurais tout à fait pu prendre le temps de les enregistrer sur mon disque dur.

Pour d’autres morceaux, je me sentais moralement dans mon droit : Verruschka, par Edda del’Orso et Ennio Morricone, Saudosa Malauca par une dénommée Marlene ou les chansons swing d’Irène de Trébert n’existaient pas autrement — à l’époque en tout cas —, je n’aurais jamais pu me les procurer sur CD. Enfin, il m’est arrivé de nombreuses fois de télécharger des morceaux pour me documenter, pour voir ou pour rire, enfin pour les écouter, mais certainement pas dans l’idée de les conserver. Il a commencé à être normal pour moi de tout savoir, de me constituer une culture musicale dans des registres que je n’aurais pas pu explorer autrement : chanson réaliste des années trente ou chanson bollywoodienne par exemple… J’ai pu explorer le monde de la musique sans guide, sans aide, sans circuit tout tracé, un peu comme on découvre des livres au hasard dans une bibliothèque. Et j’ai plutôt aimé ça.
L’ouverture culturelle que le partage de fichiers a permis est peut-être ce qui a fait le plus de mal à l’industrie musicale, qui préfère vendre un morceau musical à un million d’exemplaires que cent morceaux différents à dix mille exemplaires en moyenne et qui a donc tout intérêt à ce que ses clients ne soient pas trop mélomanes, tout comme McDonald’s et Kentucky Fried Chicken n’ont pas grand intérêt à faire de leurs clients des gastronomes. Bien entendu, la plupart des gens qui travaillent dans les maisons de disques aiment intensément la musique, mais ce qui réunit les actionnaires de Sony-BMG, EMI, Universal et Warner est plus la perspective de profit que l’amour de l’art.

Avec leur film "Intersella 5555", les Daft Punk placent derrière l'industrie de la musique un homme d'origine extra-terrestre qui collectionne l'or dans le but de conquérir l'univers entier. Les artistes, à qui il fait perdre toute joie de vivre et jusqu'au souvenir de ce qu'ils sont, sont ses victimes.

Cependant, malgré les bonnes raisons que je me donnais, je n’étais pas spécialement fier de moi d’un point de vue purement moral : un titre téléchargé sur Audiogalaxy ne rapporte rien à son auteur et je n’ai jamais pu l’ignorer.
Dès que ça s’est avéré possible, j’ai commencé à acheter des morceaux numériques, sur des plates-formes telles que VirginMega ou Fnacmusic ou encore JAM Label, qui a déposé le bilan il y a trois ou quatre ans. Je ne suis pas passé par la boutique iTunes car le format de fichier vendu par Apple ne fonctionne ensuite qu’avec les baladeurs iPod et le logiciel iTunes.

Forcé de « cracker » des fichiers dont je suis pourtant le propriétaire légitime

Ma consommation de morceaux « légaux » a été un peu pingre : je n’ai acheté que les titres que je voulais acheter, à l’unité, — quasiment jamais d’albums complets — et toujours par conviction morale, en sachant pertinemment que j’aurais pu me les procurer autrement. En deux ou trois ans, j’ai dû acheter plus d’une centaine de titres (au prix d’un euro chaque fois), mais guère plus.
Et puis un jour j’ai changé d’ordinateur. Lorsque j’ai récupéré tous mes fichiers musicaux, ceux-ci m’ont averti qu’ils devaient télécharger leur licence (c’est à dire demander au serveur du distributeur si j’avais le droit de les utiliser). Cela a bien fonctionné, mais mon système avait un défaut et j’ai dû reformater mon disque une fois, puis deux… Pour apprendre ensuite à mes dépens que les titres que j’avais acquis ne voudraient, ne pourraient plus jamais être lus : les changements de mon système d’exploitation étaient considérés comme une diffusion sur plusieurs machines. Il y aurait en fait eu une manipulation à faire — trouver le dossier contenant les DRM, puis le sauvegarder et le transférer sur le nouveau système… Mais je ne savais rien de tout ça.
C’est un peu comme si mes CD audio avaient cessé de fonctionner après que j’ai changé de tourne-disque ou après que mon disquaire ait eu déposé le bilan — c’est arrivé aux malheureux qui ont acheté de la musique en ligne par l’intermédiaire du service créé par Wallmart : lorsque ce service a disparu, la musique achetée par son entremise est devenue caduque.
Expérience désagréable. Je me suis procuré par la suite un logiciel permettant de supprimer la protection DRM de mes fichiers, mais la situation n’a rien d’agréable : forcé de pirater, de « cracker » des fichiers dont je suis pourtant le propriétaire légitime.

Toujours dans Interstella 5555 (Kazuhisa Takenouchi/Leiji Matsumoto/Daft Punk, 2003), le diabolique comte de Darkwood finit par être victime de sa propre obsession de l'or. Le Duo Daft Punk a toujours été en lutte contre l'organisation de l'industrie musicale et, notamment, contre la Sacem.

J’achète encore un peu de musique en ligne, mais uniquement lorsqu’il est possible de l’obtenir au format MP3, qui n’est pas protégé. Pour l’essentiel, je consomme à présent la musique sous forme de flux à la demande, c’est à dire à l’aide de plate-formes telles que Deezer, Jiwa et Spotify. On n’y trouve pas tout mais il y a beaucoup de choses et, donc, les auteurs perçoivent une rémunération pour chaque écoute, ce qui a un avantage théorique pour eux : un même morceau, avec le même auditeur, peut rapporter des royalties autant de fois que l’auditeur aura écouté le morceau, tandis qu’une acquisition de licence (disque, morceau téléchargeable) est unique et définitive.

Le streaming ne rapporte quasiment rien aux artistes

Tout est au mieux dans le meilleur des mondes avec la musique en streaming ? Pas sûr ! Un ami qui travaille pour l’industrie musicale attire mon attention sur le fait que le streaming ne rapporte quasiment rien aux artistes : « le stream, c’est un miroir aux alouettes. Les Américains freinent à mort. » J’aurais dû m’en douter : moi-même je ne paie pas pour utiliser Spotify ou Deezer, je ne regarde pas les publicités animées qu’ils diffusent (qui regarde son poste radio ?), je n’écoute que distraitement les pubs audio, qui pour la plupart concernent de la musique, ce qui est faussement approprié au contexte : on n’aime pas spécialement être interrompu par un extrait de morceau musical alors qu’on était en train d’en écouter un autre… L’effet est plutôt répulsif, je ne pense pas avoir cliqué une seule fois sur une publicité de Deezer ou de Spotify, ou alors par erreur, en bougeant une fenêtre et en ne cliquant pas où je voulais cliquer, comme ça arrive parfois. Un modèle économique qui compte sur le fait que les gens cliquent par erreur n’est pas nécessairement très sain.

Il existe des versions « premium » de Deezer et de Spotify, pour lesquelles on doit payer chaque mois, mais je ne sais pas qui y a recours et pour l’instant ils ne me tentent pas spécialement. Mon ami me dit :

Je pense que Spotify et Deezer ont fait des erreurs depuis le début, notamment en rendant pratiquement toutes les options accessibles gratuitement (récemment, celle d’intégrer sa propre bibliothèque, qui rend Spotify concurrent direct de iTunes) alors que c’était un argument supplémentaire pour pousser les utilisateurs à s’abonner.

Alors que je suis en train d'écouter de la house norvégienne, Spotify m'impose une publicité pour le nouvel album de Christina Aguilera. Erreur : si la publicité concernait une boisson ou je ne sais quoi, j'aurais pu l'associer au plaisir de la musique que j'étais en train d'écouter, mais si on interrompt ma lecture pour me parler d'un autre genre de musique, j'ai du mal à y voir autre chose qu'un parasite.

Les chiffres sont en effet assez navrants. Lorsque j’écoute un morceau sur Spotify, son auteur va percevoir 0,00025 dollars. Il faudra que j’écoute ce même morceau quatre mille fois pour que l’auteur perçoive un dollar ! Avec Last.fm, la rémunération est deux fois plus importante : 0,00050 dollars soit 5/10000e d’un dollar. Avec Rhapsody, dédié aux artistes « indépendants », la rémunération atteint un cent par titre écouté, soit un dollar pour cent téléchargements : pas mal, comparé à toutes les autres plate-formes du genre.
Pour un titre téléchargé au tarif de 1 dollar sur iTunes ou sur Amazon, l’artiste perçoit aussi 1 cent, ce qui peut sembler assez médiocre. J’ignore combien perçoivent les maisons de disques qui se sont entendues avec Apple et Amazon sur de tels tarifs.
Passons aux supports physiques. Pour un CD « single » qui est vendu 5 dollars en magasin, la rémunération oscille entre 1,5 cent et 5 cents, selon le contrat. Le meilleur rapport, c’est le CD auto-produit et auto-diffusé, qui rapporte 80% de son prix à l’artiste. Selon ces chiffres, donc, vendre 143 CD auto-produits rapporte la même chose que d’être téléchargé 4 549 020 fois sur Spotify. Ouille !

Le meilleur rendement est peut-être celui des procès

Ceci dit, le meilleur rendement est peut-être celui des procès : la Recording Industry Association of America (RIAA) a fait condamner des internautes à des amendes qui dépassent l’entendement : 1 920 000 dollars pour 24 titres téléchargés par une dénommée Jammie Thomas (80 000 dollars par titre) et 675 dollars pour 30 titres téléchargés par un vingt-cinquenaire nommé Joel Tenenbaum (22 500 dollars par titre). Évidemment, ces amendes ne seront pas réellement payées, ceux qui y sont astreints n’en ayant pas du tout les moyens : il s’agit juste de faire des exemples et de semer la terreur dans les chaumières. On peut tout de même s’interroger sur les cours de justice qui calculent de tels montants : dans tous les systèmes judiciaires du monde, les amendes sont proportionnées au préjudice subi, or réclamer 80 000 dollars pour un bien qui rapporte un million de fois moins sur iTunes semble précisément disproportionné.
En fait je connais un cas encore plus rémunérateur : un ami musicien (appelons-le Florent P*, même si ça n’est pas son véritable nom) a perçu pendant six mois des droits très importants pour une chanson homonyme d’un titre qu’il avait déposé à la Sacem. Musicien professionnel mais peu fortuné, il n’avait pas eu le cœur de signaler à la Sacem ce trop-perçu illégitime de près d’une dizaine de milliers d’euros. Si je ne dis pas de bêtises, dix mille euros pour zéro titre est un ratio qui tend vers l’infini.

Et pendant ce temps-là, dans les supermarchés, on doit subir un R’n’B souvent médiocre et que l’on n’a jamais réclamé. Contrairement à ce que certains imaginent, cette diffusion-là n’est pas gratuite non plus. D’une part, la station de radio, financée par la publicité, reverse des royalties à la Sacem (en indiquant précisément quels morceaux ont été diffusés), et d’autre part le supermarché reverse lui aussi une somme forfaitaire importante à la Sacem, mais sans détailler les morceaux diffusés. L’argent sera redistribué entre ses sociétaires (et, disent les mauvaises langues, ses cadres et ses dirigeants) au prorata du succès des artistes. L’argent versé par le supermarché est répercuté sur le ticket de caisse.

On peut appeler ça une rente, on peut aussi trouver ça légitime même si l’équation ne manque parfois pas de bizarrerie : ma supérette, que je ne fréquente pas spécialement pour écouter de la musique, m’impose (et c’est quasiment de la publicité) une reprise rap horrible de Sweet Dreams ou de Fade to grey, deux titres de ma jeunesse que je supporte mal de voir altérés de cette manière. Une somme d’argent forfaitaire est reversée à la Sacem, qui redistribue au prorata des meilleures ventes de ses adhérents : en fait l’argent revient en grande partie au compositeur de Comme d’habitude. Quitte à favoriser la circulation de l’argent entre supermarchés, maisons de disques, artistes et banques, ne pourrait-on pas le faire en nous épargnant d’avoir à subir de la mauvaise musique quand on fait ses courses ? C’est juste une question.

Où est-ce que je veux en venir, avec tout ça ?

Où est-ce que je veux en venir, avec tout ça ? Eh bien à une autre question que je me pose depuis plus de dix ans, pour laquelle il me semble que l’on n’a pas beaucoup avancé et qu’aucune réponse satisfaisante ne se dégage. La question est : à qui il faut payer ? J’aime la musique, comme tout le monde, j’aime les musiciens, je trouve naturel que ces derniers vivent du fruit de leurs œuvres, je trouve normal que les maisons de disques gagnent de l’argent aussi, en bref je trouve normal d’acheter les disques (mais peut-être pas à n’importe quel prix : 22 euros l’album, c’est beaucoup). Par contre  je ne veux plus de CD audio (j’ai à peine de quoi les lire) et je ne veux pas non plus que les musiciens se fassent escroquer par leurs distributeurs (ni par les maisons de disques, ce qui arrive, dit-on)… Alors quoi ? Je fais quoi ?

(1)Interview dans ParuVendu, 18 mars 2010.


Illustration en tête d’article : le catalogue de l’exposition adonnaM.mp3, qui s’est tenue au DigitalCraft/Musée des arts appliqués de Frankfort en 2003. Le titre de l’exposition fait référence à une pratique qui a eu cours dans le partage de fichiers : modifier l’ordre de la première lettre du nom du fichier pour qu’il échappe au filtrage : Madonna devient adonnaM, Metalica devient etalicaM, etc.

Image de une : Alain Bachellier

Billet initialement publié sur Le Dernier blog

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La SGDL (Société des Gens De Lettres) organise ces jours-ci un forum sur la révolution numérique de l’auteur. Une brochette d’invités compétents et experts, des thématiques d’envergure, l’événement a tout ce qu’il faut pour être intéressant. Une centaine d’auditeurs sont venus entendre ce que les acteurs ont à déclarer ou à raconter et espèrent, pour certains, participer à un débat sur les questions brûlantes qui émergent dans le petit monde de l’édition.

> La suite sur http://tempsfuturs.owni.fr

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