OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Yahoo et Gmail lisent vos mails http://owni.fr/2011/10/25/yahoo-et-gmail-lisent-vos-mails/ http://owni.fr/2011/10/25/yahoo-et-gmail-lisent-vos-mails/#comments Tue, 25 Oct 2011 07:45:15 +0000 Benoit Le Corre http://owni.fr/?p=84345 Le 13 octobre, Yahoo! a lancé un site pour vanter la popularité de sa messagerie avec une carte interactive baptisée Visualizing Yahoo!. Celle-ci propose notamment de visualiser en temps réel les mots les plus employés par ses utilisateurs, en analysant le contenu de leurs mails. Pour cette opération marketing, Yahoo! promet qu’elle lit uniquement la ligne de l’objet du message. N’empêche, à cette occasion, on découvre que Yahoo! peut lire l’intégralité de vos mails.

Interrogé à ce sujet, Yahoo! désapprouve le verbe “lire” mais reconnaît l’existence de cette pratique. Pierre Landy, responsable juridique de Yahoo! Europe évoque plutôt “des systèmes automatiques”, autrement dit des programmes qui “scannent et analysent l’ensemble des messages envoyés et reçus d’un compte utilisateur”. Pièce jointe, objet, corps du texte, tout y passe. Aucune intervention humaine n’est a priori requise. Comprendre que l’analyse n’est pas effectuée par des être humains mais des robots. Méconnu, ce processus est pourtant présent dans de nombreuses messageries gratuites.

Gmail aussi aime lire

Gmail, l’autre géant américain des correspondances numériques fonctionne de la même manière. La totalité du contenu des messages de ses utilisateurs est automatiquement scanné et analysé, en vue de générer des “mots clés”. Les trois dernières lignes de la partie “Publicité et confidentialité” des Conditions générales d’utilisation :

Google analyse le texte des messages Gmail afin de filtrer les spams et détecter les virus. Le système de filtrage Gmail permet également d’analyser les mots clés contenus dans les e-mails afin de cibler l’audience des annonces diffusées.

Yahoo! et Google revendiquent la légitimité de leur procédé. Pierre Landy de Yahoo! Europe explique :

Cela permet de bloquer près de 550 milliards de spams atterrissant dans les boîtes mails de nos utilisateurs chaque mois dans le monde, soit aux alentours de 1800 mails par utilisateur.

Et si, en même temps, cette analyse permet d’identifier les centres d’intérêts des utilisateurs, c’est pour “améliorer la pertinence des annonces” et leur proposer une publicité adaptée à leurs besoins. Autrement appelée de la publicité contextualisée.

Quant à la légalité de cette pratique, une piste de réponse semblait être apportée par l’application “Visualizing Yahoo!”. L’onglet “What am I seeing?”, en dessous du fil des mots clés, apprend que les données n’ont pas été utilisées en Italie, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et en France.

Une violation potentielle d’un droit fondamental

La liste des cinq pays internes à l’UE laissait présager que le droit européen constituait un rempart aux analyses des contenus des mails. Ou au moins à leur diffusion. Une version confortée par le Contrôleur européen de la protection des données. Contacté par OWNI, il estime que “le système de scan implique une potentielle violation de la confidentialité des correspondances”. Donc une violation d’un droit fondamental de la Charte européenne des droits de l’Homme.

De son côté, Pierre Landy de Yahoo! Europe assure que la collecte des données est légale :

Le projet a été initié aux États-Unis et il n’est pour le moment pas prévu de le déployer localement dans d’autres pays (…) Ceci explique que les données relatives à la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni, si elles sont effectivement collectées n’y sont pas présentées.

Une directive adoptée en 2002 par le Parlement européen n’interdit effectivement pas l’analyse des contenus mais oblige les sociétés à informer l’utilisateur sur cette pratique. Elle vient appuyer la directive 95/46/CE qui est un texte de référence en matière de protection des données personnelles. De fait, l’internaute devrait avoir la possibilité de refuser ce service. Un autre groupe de travail européen, constitué en 2006, a légitimé le scan – appelé “filtrage” dans le texte de loi – au vu des spams massifs.

Pour vulgariser à l’extrême, ce type d’analyse n’est pas inquiété par la justice européenne puisqu’il

  • a été jugé nécessaire,
  • est robotisé,
  • accepté par l’utilisateur lors de son inscription.

Au niveau du droit français, la loi du 6 janvier 1978 pose la même base. Selon Cédric Manara, spécialiste du droit sur Internet et professeur à l’EDHEC:

cette loi dit que si l’on collecte des informations, il faut que l’utilisateur soit informé, qu’il accepte le principe et qu’il soit informé des conditions dans lesquelles les données seront utilisées.

D’où l’importance du bouton “J’accepte” lors de la création d’un compte Yahoo! Mail ou Gmail.
A défaut de désactiver le scan qui sera toujours effectif, il est possible de désactiver les publicités contextualisées.

* Pour pénétrer la “mémoire cachée ” de Facebook, RDV ici : http://www.ecrans.fr/Facebook-la-memoire-cachee,13424.html


Illustration FlickR PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Éole

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De la cyber-archéologie et de GeoCities http://owni.fr/2010/11/03/de-la-cyber-archeologie-et-de-geocities/ http://owni.fr/2010/11/03/de-la-cyber-archeologie-et-de-geocities/#comments Wed, 03 Nov 2010 09:23:40 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=4914 Le 26 octobre 2010, un an après la fermeture définitive, Jason Scott annonce que son armada de serveurs a réussi à sauvegarder un bon nombre de sites et propose l’intégralité de GeoCities (ou presque) sous la forme d’un torrent. L’occasion de revenir (en vous proposant un billet publié il y a an) sur la fermeture de ce service, contenant une foultitude de contenu créé par l’utilisateur et surtout contenant une grosse partie de la culture Internet avant l’arrivée de tout le monde.

Yahoo! n’a pas beaucoup communiqué sur cet évènement, c’est le moins qu’on puisse dire, puisque même les premiers concernés n’étaient pas au courant. “Je suis étonné de ne pas avoir reçu de message de Yahoo-Geocities me prévenant de l’arrêt” s’inquiète ainsi un ancien utilisateur qui a tout de même eu le temps d’aspirer le contenu de son site avant la fermeture. GeoCities l’annonce laconiquement sur sa page d’accueil, GEOCITIES IS CLOSING ON OCTOBER 26, 2009. GeoCities, ouvert en 1994, était un hébergeur gratuit. En échange de quelques publicités, l’utilisateur pouvait proposer un site de bonne qualité pour l’époque.

GeoCities restait depuis une référence sur Internet pour ses design affreux, ses gif animés et la pauvre qualité de son code html.

L’organisation de GeoCities était très originale puisque les sites étaient organisés en villes, puis en quartier. Chaque ville correspondait à une thématique. Un utilisateur, dont le site était finalement très généraliste témoigne :

J’avais choisi CapCanaveral parce que je suis passionné d’astronomie, ce qui constituait une partie assez fréquentée de mon site

CapCanaveral, quartier des sciences, mathématiques et de l’aviation côtoyait ainsi Paris, pour les arts, Broadway, Hollywood ou encore Area51 pour la science-fiction.

Pour chaque quartier existait un Community Center, lieu où les possesseurs des sites du quartier pouvaient s’organiser entre eux. Sites du mois, conseils sur le HTML, signalement des sites ne correspondant pas à la thématique ou contrevenant aux bonnes moeurs. Une vraie organisation de quartier à l’américaine.

GeoCities semblait clairement répondre à un besoin puisque très vite après l’ouverture, en juin 1995, des quartiers s’y créent avec des thématiques particulières et forcément militantes à cette époque. WestHollywood, du nom du plus grand “gay village” des États-Unis, quartier de la communauté LGBT, est par exemple un des premiers à apparaître. Sur son ancien site, Let It Bi, sur la bisexualité, le webmestre expliquait :

j’avais choisi GeoCities parce que c’était un hébergeur communautaire, basé sur la notion de quartier

Plus généralement, dès qu’on offre un espace de liberté, de free-speech, les gens s’y engouffrent, pressés d’y faire entendre leur voix.

GeoCities est donc un immense espace où s’expriment de nombreuses personnes. Bien sûr, la possibilité d’expression est limitée, puisqu’il fallait à l’époque posséder un ordinateur ainsi que des rudiments en html, Yahoo ayant dès son rachat interdit le php et autres technologies “avancées” sur GeoCities. Rapellons enfin que ces sites, au départ, existaient dans un monde sans Google. Éric Dupin proposait ainsi ses petits cailloux, “des conseils et des sélections de sites intéressants” pour, entre autres “aider les internautes, population alors novice, à bien naviguer“.

La fermeture des serveurs de GeoCities pose cependant une question importante, celle de la sauvegarde des données. Alors qu’un livre se caractérise par un tirage matériel plus qu’unique, un site Internet, surtout ceux-ci, fait par des “noobs” n’est présent que sur un serveur. Et Yahoo! n’a communiqué que par mail, sans vérifier que les mails soient bien reçus. Tout porte à croire que de nombreuses pages de personnes décédées, ou de personnes ayant simplement changé d’adresses e-mail ont disparu avec la fermeture des sites. Et se perd ainsi tout un aspect de la culture Internet. Alors que l’archéologie matérielle ne requiert qu’un peu de travail de recherche, l’archéologie sur Internet nécessite de conserver sur des serveurs les pages avant que celles-ci ne disparaissent.

Depuis 1996, archive.org conserve de nombreuses pages Internet, perdant cependant parfois au passage les images qui faisaient la joie de ces pages personnelles. Celles dont Éric Dupin disait que “c’était de l’artisanat“. Il témoigne:

Cela peut évidemment sembler ridicule aujourd’hui. Mais j’étais très fier quand je réussissais à produire de mes blanches mains un gif animé et à l’implanter sur un site qui a parfois diablement ressemblé à un arbre de Noël !

On ne peut donc que saluer l’action de l’Archive Team, de Internet Archaeology ou encore archive.org qui ont tenté de capturer le plus grand nombre de cette immense planète qu’était GeoCities. L’Archive Team a notamment réussi, dans le cadre d’un GeoCities Project, à obtenir et à établir une liste des URL de nombreux sites de GeoCities, archive.org ne pouvant aspirer les sites qu’en ayant ceux-ci. Et Yahoo! ne voulait pas les donner, prétextant qu’il s’agissait là d’élément de la vie privée, puisque certains utilisateurs faisaient des sites qui n’étaient jamais liés ailleurs et réservés à leur famille ou au stockage. Jason Scott ne mâche pas ses mots à ce sujet. S’dressant aux dirigeants de Yahoo! il déclare :

Les gens vont être putain d’énervés quand ils verront que vous leur avez mis hors ligne leur contenu, que vous l’avez supprimé. [...] Ils voudront que vous leur rendiez leur contenu. [...] Je pourrais dire quelque chose comme “je pense que vous savez ce que vous faites”, mais je suis certain que vous aller me répondre “bla bla bla aucun profit bla bla” puis que vos yeux vont se lever et vous allez me demander d’arrêter de me plaindre

Jason Scott explique ensuite qu’il est obligé de se lancer dans l’hébergement pour proposer aux anciens utilisateurs un miroir de leur site GeoCities et qu’il ne va pas cesser de répéter à quel point les dirigeants sont d’avoir fermé ce service avant de terminer, et je partage ce cri, par “I hate you“.

>> Article initialement publié sur Alphoenix.net.misc

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Ne méprisez pas forcément les goûts de Madame Michu http://owni.fr/2010/07/20/journalistes-ne-meprisez-pas-forcement-les-gouts-de-madame-michu/ http://owni.fr/2010/07/20/journalistes-ne-meprisez-pas-forcement-les-gouts-de-madame-michu/#comments Tue, 20 Jul 2010 13:05:11 +0000 Laura McGann http://owni.fr/?p=22400 Est-ce que les médias doivent donner à leur audience ce qu’elle veut ?

Changez “médias” par “entreprise” et “audience” par “clients” et la question devient absurde. Mais les journalistes considèrent traditionnellement que les goûts de leur audience ne doivent pas déterminer leurs choix éditoriaux. Le traitement basé sur les clics tire-t-il vraiment l’information par le bas, ouvre-t-il vraiment la voie aux galeries photo des bras de Michelle Obama et aux frasques des people ?

1 – La semaine dernière, quand le New York Times a écrit sur The Upshot, le blog de Yahoo, le journaliste s’est concentré sur la façon dont ce dernier allait utiliser les données de recherche pour guider ses choix éditoriaux :

Le logiciel de Yahoo étudie automatiquement les noms communs, les phrases et les sujets qui sont populaires parmi les utilisateurs à travers tout le réseau. Pour aider à créer du contenu pour le blog, appelé The Upshot, une équipe va analyser ces schémas et les transmettre à l’équipe éditoriale de Yahoo, composée de deux éditeurs et six blogueurs. Cette dernière utilisera ensuite ces données de recherche pour créer des articles – si le procédé fonctionne comme prévu – et va leur permettre de s’adapter plus précisément à leurs lecteurs.

L’équipe de Yahoo était estomaquée par l’article, expliquant que l’outil de recherche n’était qu’une partie de leur processus éditorial. Michael Calderone : “Le NYT est obsédé par l’utilisation d’un outil de recherche, et passe sous silence les choses plus ennuyeuses et traditionnelles (l’actu chaude, les analyses, les conférence éditoriales… etc.).” Andrew Golis : “Sérieusement, le NYT a oublié une myriade d’analyses et de reportages brillants et traditionnels pour ne garder qu’un minuscule aperçu des recherches.

2 – Le médiateur du Washington Post Andrew Alexander écrit que le titre est en pleine contradiction, entre les journalistes qui veulent utiliser les données des internautes et les reporters papier qui eux se demandent : “Si le trafic finit par guider les choix éditoriaux, est-ce que le Post choisira de ne pas se consacrer à des reportages importants, parce qu’ils sont ‘ennuyeux’ ?” Alexander note ensuite que l’article de la rédaction le plus visité de l’année précédente portait sur… Les Crocs. “L’article sur les Crocs illustre une réalité cruelle du Washington Post. Souvent (pas toujours), les lecteurs viennent pour les infos décalées ou inhabituelles. Ils sont plus motivés par des vidéos d’animaux mignons ou des galeries photos de célébrités.” Ou par des chaussures en caoutchouc.

Et si parfois “ce que le public veut” était plus sérieux que ce que lui donne le média ?

3 – Une étude du Pew sortie mercredi révèle que, alors que l’intérêt des gens pour la marée noire du Golf du Mexique avait légèrement diminué – de 57 % affirmant suivre l’affaire de près à 43% – la couverture de la fuite de pétrole avait chuté significativement, passant de 44% des actualités à 15 %. Et la baisse de l’intérêt du public a suivi la chute de la couverture, pas l’inverse. Pendant ce temps, les gens étaient submergés par l’affaire de Lebron James et Lindsay Lohan (note : les données couvrent la période allant du 10 juin au 10 juillet, donc avant que BP n’annonce avoir stoppé la fuite).

4 – Pendant ce temps, le bi-mensuel américain Mother Jones a sorti ses chiffres de fréquentation pour le deuxième trimestre. Les visiteurs uniques augmentent de 125 % d’une année sur l’autre et leur revenu a augmenté de 61 %. Cette période correspond à peu près à la décision du site de doubler sa couverture de la fuite de pétrole, même si les autres sujets ont également leur part dans cette augmentation. Kate Sheppard, journaliste du magazine, ne couvre presque que la fuite, alimentant en direct un compte Twitter avec des liens vers son propre travail ou celui d’autres collègues. Cela peut expliquer une partie de l’augmentation de 676 % en un an du trafic venant des médias sociaux. Pew a également révélé que la fuite de pétrole avait lentement pénétré dans le monde des médias sociaux, a pris de la vitesse et a atteint un sommet le mois dernier en représentant quasiment un quart de tous les liens sur Twitter.

Donner aux lecteurs ce qu’ils veulent peut-il concilier le bon journalisme avec une ligne éditoriale plus exigente ? Les deux ne vont pas aller de pair tout le temps, mais il est utile de se rappeler que “ce que l’audience veut” ne s’accorde par toujours avec le stéréotype.

Billet initialement publié sur The Nieman Lab ; image CC Flickr striatic ; traduction Martin Untersinger

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Serge Soudoplatoff: ||”Internet, c’est assez rigolo” http://owni.fr/2010/07/06/serge-soudoplatoff-internet-cest-assez-rigolo/ http://owni.fr/2010/07/06/serge-soudoplatoff-internet-cest-assez-rigolo/#comments Tue, 06 Jul 2010 14:25:25 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=19564
Depuis plus d’un quart de siècle, soit à peu près l’âge moyen de l’équipe éditoriale d’OWNI, Serge Soudoplatoff se consacre à Internet avec un amour débordant. Il le dit clairement sur son blog, avec l’enthousiasme franc, presque naïf, d’un early-adopter jamais déçu (?): La rupture Internet, sous-titré “la passion de Serge Soudoplatoff pour Internet“. Alors que les membres de la soucoupe jouaient encore aux LEGO, ce chercheur en informatique au centre de recherche d’IBM découvrait avec délice Internet. C’était en 1984, exactement.

Après un passage à l’Institut Géographique National (IGN), il devient directeur du centre de recherche en informatique chez Cap Gemini Innovation puis entre à la direction de l’innovation de France Telecom. Il est aujourd’hui à la tête de sa propre société, Hyperdoxe, qui fait du conseil en stratégie informatique.

Bref, un ponte cool, du genre à ponctuer ses mails par un smiley. Animé par une véritable passion pour les mondes virtuels et les serious game, il fait œuvre de pédagogie tant dans des articles approfondis que dans les cours qu’il assure à l’Hetic. Il prépare en ce moment la suite de son premier livre, Avec Internet, où allons nous?. Comme la question nous intéresse aussi, nous nous sommes connectés à Skype et avons échangé avec Serge Soudoplatoff.


OWNI: Au moment où vous découvrez Internet, on vous prend pour un fou ?

Serge Soudoplatoff: Fou, je ne dirais pas, les gens avaient plutôt l’impression que l’on se faisait plaisir. En 1984 très peu de gens parlait d’Internet. Moi je j’utilisais, je trouvais ça intéressant. On s’en servait et on trouvait ça assez rigolo en fait. Personne ne voyait vers où les usages se dirigeaient. Il fallait être assez visionnaire à cette époque pour voir ce qu’on pouvait en faire.

Les échanges avaient lieu uniquement parmi les membres de la communauté scientifique?

Il faut rappeler que dans les années 1980, seuls les centres de recherche étaient connectés. Le grand apport du Livre blanc d’Al Gore, publié en 1991, est d’avoir levé la contrainte d’un Internet réservé aux centres de recherche.

Internet s’est en effet développé au sein de communautés de chercheurs.

Maintenant, quand on browse le web sur l’histoire d’Internet, on trouve des chercheurs qui disaient dans les années 1960: “ça ne sert à rien de faire communiquer nos ordinateurs”. L’esprit visionnaire n’est absolument pas lié au fait qu’on soit un chercheur.

Spécimen préhistorique d'ordinateur personnel

La transition vers le paysage que l’on connaît actuellement s’est-elle faite par l’intermédiaire de ces mêmes passionnés?

Pour moi, ce qui fait qu’Internet prend un autre essor c’est la combinaison de deux éléments: l’invention du web par Tim Berners-Lee, (qui pour moi est une régression), et le fait que derrière Al Gore il y ait le capital-risque américain.

Au début des années 1990, c’est la déprime dans la Silicon Valley. Il n’y a plus la puce pour assurer des leviers de croissance extraordinaires. Tout le secteur de l’informatique au sens traditionnel du terme est déjà verrouillé.

Les Venture capital se posent la question de savoir où placer leur argent pour bénéficier des mêmes effets de levier. Arrive Internet et tout le travail qu’a fait Al Gore pour le libéraliser et investir en masse.

Fin des années 1990, ça allait jusqu’à 25 milliards de dollars par trimestre d’investis dans le high-tech. Aujourd’hui, on arrive à la même somme sur un an.

Internet est donc fondamentalement libéral au sens économique du terme ? Sans le libéralisme, Internet n’existerait pas ?

Sans le venture-capital. J’ai horreur des termes comme libéral ou libéralisme parce qu’on y met tout et n’importe quoi.

On peut revenir sur le fait que vous considériez l’apport de Tim Berners Lee comme une régession ?

Si vous voulez, le premier Internet est en p2p. C’est à dire en clair: mon ordinateur est connecté à ton ordinateur, mon adresse IP connaît ton adresse IP, et je peux aller chez toi comme toi tu peux aller chez moi.

Qu’est-ce que l’invention du web? C’est le retour vers une architecture client-serveur.

Le retour vers le modèle de la télé où au lieu d’accéder à l’ordinateur de quelqu’un d’autre, j’accède à du contenu. C’est une régression sur le plan philosophique. Ceci dit, je pense qu’il fallait passer par cette étape.

Pour moi, ce qu’on appelle le web2.0, c’est remettre du p2p dans le cadre d’une architecture client-serveur. D’ailleurs, les seuls logiciels qui sont vraiment dans la philosophie du début d’Internet c’est tous ceux qu’on veut empêcher: E-mule, Napster etc…

Il n’y a pas que moi qui le dit, les historiens de l’Internet vous diront la même chose. Régression est peut-être un terme un peu fort mais c’est vrai que d’un seul coup on revient vers le modèle de la télé…

Ici commence l'Interouèbe

En parallèle en France, le minitel a déjà bien décollé. Qu’est ce qu’on peut dire de cette exception française?

Alors d’abord, cela a commencé avec les BBS ((le Bulletin Board System est un serveur équipé d’un logiciel offrant des services d’échange de messages, de stockage et d’échange de fichiers via un ou plusieurs modems reliés à des lignes téléphoniques)) Si vous voulez regardez l’équivalent du minitel aux États-Unis ce sont les Bulletin Board Systems.

A quel moment, en tant qu’observateur privilégié, avez-vous senti qu’un des deux allait écraser l’autre?

Ce qui apparaissait de manière très évidente, c’est que le problème numéro 1 du minitel c’était son modèle économique.

Ce qui fait le succès d’un service n’est pas tant sa qualité  que son modèle économique.

Or, le modèle économique d’un paiement à la durée est un modèle qui in fine reste un frein pour le développement des usages.

Ceci dit, on peut analyser le gratuit sur Internet comme étant une guerre Yahoo contre AOL. Si on fait l’histoire du développement des BBS aux États-Unis, il faut savoir que l’appel local est gratuit, dans un cadre forfaitaire. Donc un BBS c’était un ordinateur-serveur sur lequel tout le monde se connectait. On y trouvait du chat, de l’e-mail et un peu de contenu: tout les services dits “de base”. Le seul problème c’est que quand j’étais à San Francisco je pouvais pas aller sur un BBS à Los Angeles, encore moins à New-York.

Qu’ont fait Compuserve et AOL? Grosso modo ils ont doublé les opérateurs de télécom: ils ont fait leurs propres tuyaux, et ont développé des Point of Presence (Un POP est une interface réseau (les fameux POP) . Du coup, tout le monde se connectait localement à un BBS mais avec des réplications de base de données. C’était finalement une manière de doubler les opérateurs de télécoms. Et comme ils voulaient pas faire payer à la durée, ils faisaient des abonnements sur la data.

Ensuite arrive Yahoo. Et que fait Yahoo dans les années 1990? Il fait la même chose mais en gratuit. La guerre du contenu gratuit s’est fait uniquement pour détrôner AOL et Compuserve. AOL a résisté, pas terriblement, et Compuserve est mort.

"Les gens n'ont pas de carte d'Internet. Ils cherchent. Faites en sorte qu'ils vous trouvent"

En tant qu’ancien membre de l’IGN, que pensez-vous du mouvement de spatialisation de la pensée auquel on assiste?

Ce que je peux dire, c’est que plein de gens ne savent pas lire les cartes. Quand je fais des conférences, j’emmène les gens dans le web, et je leur explique que pour moi, le véritable paradigme est que je les emmène sur une terra incognita. De moins en moins tout de même, mais l’idée est qu’on arrive sur une île où les gens parlent un autre langage etc.

Pierre Lévy et Michel Serres ont écrit des choses beaucoup plus approfondies que moi sur ces questions. C’est très intéressant sur le plan didactique. Ceci dit, beaucoup de gens ne sont pas du tout à l’aise avec la représentation cartographique. Dès fois, il faut savoir ne pas les utiliser.

Pour revenir sur cette idée de terra incognita, pensez-vous qu’on en soit encore là avec les développements récents des usages et pratiques de l’Internet?

Il existe encore évidemment plein de terra incognitas à découvrir. Ce qu’il y a de sûr c’est qu’on est bien loin des années 1990 où quand je faisais venir les gens chez moi pour qu’ils découvrent Internet, ils se trouvaient face à une véritable terra incognita. Ils découvraient les premiers ports. Altavista démarrait tout juste. Rien que ça pour les gens c’était fascinant. J’avais une copine colombienne qui découvrait qu’elle pouvait lire les nouvelles de son pays depuis chez moi: elle était ébahie.

Quand je montrais aux gens les newsgroups, je peux vous assurer que les IRC étaient des trucs que l’on montrait à peu de gens. Le langage était hermétique, personne ne comprenait.

On se plaint du langage SMS mais allez voir ce que c’est qu’un langage de geeks dans un forum IRC du début d’Internet

Aujourd’hui, je rencontre rarement quelqu’un qui n’a jamais été dans Internet. Les gens ont a minima un e-mail et ils ont surfé sur Google.

Les gros continents inconnus du moment, c’est quoi?

Par définition, je ne les connais pas (rires). C’est marrant parce que j’ai rarement vu les choses se faire comme les gens le prévoyaient.

Avant Twitter, on parlait très peu de web temps réel finalement. Tout le monde parlait de web sémantique.

Moi, je parle beaucoup de web virtuel, et puis c’est Twitter qui nous est tombé sur le coin de la figure.

Je pense que d’un côté, on observe tout le phénomène de débordement d’Internet dans les activités au quotidien: c’est santé 2.0, gouvernement 2.0 etc. D’un autre côté il y a toutes les choses auxquelles on ne songe pas souvent et qui ne sont pas forcément technologique: une des grandes terra incognita, c’est le local. Je n’ai aucun problème pour savoir ce qu’il se passe dans l’ambassade américaine à Téhéran. En revanche, on est dimanche, il est 19h55, je n’ai pas de pain, j’ai trois boulangeries en bas de chez moi qui ferment à 20h00 et je n’ai pas le temps d’aller les faire toutes les trois. Je veux savoir laquelle des trois a du pain: je n’ai pas ça sur Internet.

L’hyperlocal commence pourtant à émerger avec Foursquare ou dans le domaine de l’information…

Oui, ça commence, et il va y avoir une guerre sanglante entre Google et Pages Jaunes là dessus. Contrairement à ce qu’on pense, Pages Jaunes va dans le bon sens.

Vous décrivez Internet comme un mode de gouvernance en réseau et sans chef. Peut-on dire que cette vision est encore utopiste? Vous considérez-vous vous-même comme un utopiste?

Attendez, ce n’est pas une vision utopiste, c’est un constat que je fais: Internet s’est fait dans un mode de gouvernance anti-pyramidale. Je vous conseille de lire le livre Et Dieu créa l’Internet où il est bien dit que on regardait ce que faisaient les opérateurs de télécoms et on faisait exactement l’inverse.

La gouvernance de l’Internet telle qu’elle est aujourd’hui est très pratique.

On ne propose pas une norme si on ne propose pas un bout de code pour implémenter cette norme. Autant dire qu’on est loin de la logique “maîtrise d’ouvrage-maîtrise d’œuvre”. Internet est pragmatique.

Les forums, qui apparaissent maintenant un peu old-school, restent pour vous la quintessence du web?

Franchement, j’ai pas trouvé mieux pour illustrer le web2.0 que les forums de discussions.

C’est l’un des rares endroit où je vois s’échanger beaucoup de choses du quotidien qui débloquent énormément de situations.

Je ne parle pas des forums politiques par exemple qui sont bourrés de trolls, mais je parle des forums pratico-pratiques. Je parle des forums de bricolage, de matériel informatique. Mon chouchou c’est celui des enseignants du primaire: 89 000 profs qui se sont échangés 4,5 millions de messages. Je parle d’un autre de mes chouchous qui est le forum des gens qui ont des problèmes de thyroïde, bourré à la fois d’empathie et de sérieux.

Dedans, j’y vois du sens et de la richesse, ce que je n’observe pas dans Facebook, ou Linkedin.

Je n’ai pas trouvé plus bel endroit d’expression de l’échange horizontal des gens que les forums de discussions.

Ils sont bien installés et continue de croître et d’embellir. Doctissimo, le numéro un en France, c’est quand même un nouveau membre par minute, et c’est 2,5 à 3 millions de nouveaux messages par mois. A tel point que la ministre de la Santé veut faire un portail santé en s’en inspirant.

Vous dites également qu’Internet n’a rien inventé et qu’il a permis à des formes sociales qui préexistaient de se développer. Il permet également d’en redécouvrir?

Oui évidemment. La mutualisation en est un très bel exemple. Je suis beaucoup les sites de prêts en social-lending aux États-Unis. Ça se fait dans le monde entier sauf en France: merci à la règlementation bancaire qui empêche l’innovation, mais c’est comme ça.

Prosper, Circle Landing, PPDI en Chine: tous ces sites qui permettent aux particuliers de se prêter entre eux sont finalement une redécouverte de la tontine. C’est la tontine à la sauce Internet. On est proche du modèle de microcrédit développé par Mohammad Yunus.

Dans moins de dans ans, on aura aux Etats-Unis des sites de santé en p2p.

Moi je rigole parce qu’un site de santé en p2p c’est une mutuelle. Aujourd’hui, l’outil est là, je suis sûr qu’on va revenir à l’esprit mutualiste. On y est déjà.

Comment jugez-vous la Hadopi, la Loppsi, toutes ces lois qui tentent de restreindre la libertés des internautes?

J’essaye d’éviter de faire des comparaisons politiques de restriction de libertés. J’ai fait l’objet d’un débat récemment dans VoxPop avec Patrick Eudeline, qui est un musicien pro-Hadopi et très anti-Internet. C’était à mourir de rire. Il dit qu’Internet a tué la musique. Je trouve que pour tuer la musique, il faut y mettre le paquet et que Internet ne suffit pas.

Ce n’est pas le côté politique qui m’intéresse. Oui, il y a toujours eu des gouvernements qui ont voulu contrôler, d’autres qui ont plus laissé faire: ça, c’est la vie.

En revanche, là où Hadopi m’a gêné c’est par le fait que ça renforçait une ancienne forme et ça n’aidait pas à innover, à promouvoir une nouvelle forme. Grosso modo, si au lieu de se battre pour revenir à avant, les majors se disaient: “le monde évolue”, et se mettait à racheter des sites commes Sellaband, comme Mymajor etc… Si elles se mettaient en mode 2.0, là ce serait innovant.

C’est comme le social lending: circle lending qui était le numéro trois aux Etats-Unis a été racheté par Virgin et est devenu Virgin Money. Moi, ce que je trouve dommage avec des lois comme Hadopi c’est que finalement, ça empêche d’innover. On ne peut pas s’élever contre une loi qui est faite pour contrôler quelque chose de considéré comme hors-la-loi. C’est dommage.

On aurait mieux fait de faire coller la loi aux usages plutôt que de renforcer une loi du passé.

Sur les questions de privations de liberté, je laisse les autres le faire, la Quadrature s’en charge très bien. Mon débat se situe sur le plan de savoir comment un pays innove et se transforme.

Dans le cadre de votre activité de conseil, êtes-vous confronté aux difficultés des entreprises à passer au mode de communication horizontale qu’implique Internet? Et comment les aidez-vous à changer de paradigme?

C’est pas facile de changer de paradigme. Je cite toujours le cas “Lippi” que vous trouverez sur mon blog et celui de Billaut.

C’est une entreprise de gréage industriel de 300 personnes qui a fait la totale. La totale est un triptyque “structure-outil-comportements”. D’abord, Lippi forme les gens aux technologies du numérique (comportement). Ensuite, Lippi change sa structure, change entre autres le rôle du middle management et enfin, l’entreprise utilise les moyens modernes en interne: Twitter est la colonne informationnelle de l’entreprise. Quand on est 300 c’est déjà pas facile, à 30 000 c’est encore plus difficile.

De toutes façons, on sera obligés d’y passer puisque les clients, eux, sont déjà en mode réseau. Les jeunes collaborateurs qui arrivent aujourd’hui n’ont pas du tout la même culture, et les autres collaborateurs commencent à être gêné au quotidien.

Au quotidien aujourd’hui, on se doit d’être sur les réseaux sociaux, on se doit d’être sur YouTube

Quand on est dans des entreprise où tout cela est bloqué on arrive à un moment où finalement vous pouvez plus bosser efficacement. Il va donc bien falloir que ça change puisque c’est une bête question d’efficacité.

Cette analyse là peut-elle s’appliquer aux gouvernements et aux institutions? Le problème est-il franco-français?

Encore une fois, on va être obligé d’y passer, il n’y a pas le choix. C’est comme tout Internet, c’est anglo-saxon, c’est la culture communautaire. Cette culture est très peu développée en France, où plutôt seulement dans certaines zones.

On est pris dans un mouvement, on va être obligé d’y aller. Il faudrait que ça se fasse dans la souplesse, pas dans la tension.

Lors de votre intervention aux Ernest, vous avez résumer le dilemme ainsi mais sans y répondre me semble-t-il : face à la rupture Internet, est-ce qu’on se comportera comme des Egyptiens ou comme des Grecs? Dans votre conférence, on vous sent optimiste: l’êtes-vous vraiment?

Moi je dis aux gens: “c’est à vous de choisir”. Alors évidemment, comme je dis aux gens que les Egyptiens se sont effondrés et que les Grecs ont embellis et prospéré c’est dur. Je vais vous dire pourquoi je fais ça: à chaque fois que j’ai des gens qui sont réticents, qui me disent que tout ce que je dis c’est des bêtises, que le monde ne va pas évoluer comme ça, ma réponse c’est : “est-ce que t’es pas en train de nous la faire à l’égyptienne?”.

Je crois que c’est un choix individuel de toutes façons. La chance qu’on a aujourd’hui c’est que si on ne se sent pas bien en France, on peut aller ailleurs.

En même temps, Internet est une construction mondiale, il y a des normes internationales qui ne dépendent pas uniquement de chaque internaute.

Je vous rappelle que chaque internaute peut contribuer à l’IETF, l’Internet Engeneering Taskforce, qui est l’organisation qui fait le moteur d’Internet, qui fait les normes technologiques. Je vous rappelle qu’elle n’a pas d’existence juridique, et qu’elle se définit comme un ensemble flou qui réunit des gens passionnés par le sujet de faire évoluer la technologie Internet. Le tao de l’IETF c’est “nous rejetons les présidents et le vote, nos croyons au consensus grossier et au bout de code qui marche”.

Quels sont à votre avis les avantages et les risques pour un gouvernement à libérer ses données, de permettre à tout un chacun de les manipuler?

On peut raisonner entreprise: l’avantage c’est que d’un seul coup, tout doit mieux marcher… en théorie. Data.gov, c’est open311.org. C’est une ville qui ouvre ses API et laisse faire les programmeurs en acceptant de jouer le jeu.

Je suis une entreprise ou un gouvernement, d’un seul coup, le monde devient extrêmement complexe avec plein d’interactions. Comment je peux gérer cette complexité? En travaillant avec les gens. Contrairement à ce que pense beaucoup de gens, le crowdsourcing, c’est très bien. On dit, et qu’est ce que c’est franchouillard, que c’est faire travailler les gens sans faire payer. Je ne suis pas d’accord.

Il n’y a que la communauté qui peut gérer un bien commun.

Le premier gain qu’aurait un gouvernement à faire de l’opendata c’est de l’efficacité dans la gestion des choses au quotidien. Contrairement à ce qu’on pense, c’est pas les grandes idées qui font bouger les choses. La vérité, c’est “est-ce qu’on mon maire entretient et développe bien ma ville?”. Je vote pour celui qui est efficace, qu’il soit de droite ou de gauche.

L’opendata est avant tout une question d’efficacité.

N’y a-t-il pas un risque qu’il y ait trop de données, et qu’on arrive plus à en faire émerger du sens?

C’est l’effet longue-traîne. Vous raisonnez comme si il n’y avait qu’un seul point d’entrée . Tout le monde n’a pas besoin d’accéder à toute les données. Mais il faut le maximum de données, pour que chacun puisse les utiliser en fonction de ses centres d’intérêt.

L’opendata, c’est pas seulement ouvrir ses données, mais c’est ouvrir ses API

Autrement dit, j’accepte de faire un système d’information qui n’est pas fini et je laisse la communauté finir mon système d’information. Vous allez sur AirParif, vous pouvez télécharger les données, mais pas rentrer dans les API Airparif. J’aimerais que les programmeurs puissent attaquer les API d’Airparif.

En revanche, il faut effectivement une couche de la communauté entre les gens et les données. On ne peut pas mettre brutalement les gens en face des données. Le génie d’opendata et d’open311 c’est de mettre une couche entre les deux.

Je ne crois pas au marketing one to one, je ne crois pas au marketing de masse, je crois au cosdesign. Mais pas avec n’importe qui, avec des passionnés. Ce sont eux qui feront le relais entre les données, les gens et les usages.

Crédits photos CC FlickR: mikeleeorg, impresa.mccabe, FindYourSearch, codiceinternet, victornuno, bionicteaching.

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Bienvenue dans la newsroom des géants du web http://owni.fr/2010/06/07/bienvenue-dans-la-newsroom-des-geants-du-web/ http://owni.fr/2010/06/07/bienvenue-dans-la-newsroom-des-geants-du-web/#comments Mon, 07 Jun 2010 15:13:33 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=17651

Ton vaisseau-mère Gutenberg a fait naufrage ou divague déboussolé en attendant le coup de grâce final du grand orage digital ? Viens à moi pauvre petit journaliste perdu dans l’immensité du cyberspace comme un astronaute bientôt à court d’oxygène…

C’est ce que j’ai cru entendre ce week-end, lorsqu’au hasard de mes divagations sur le Web, je suis tombé sur plusieurs indices informationnels laissant à penser que les Titans de l’ère numérique seront bientôt les seuls employeurs à bien vouloir recruter et payer des journalistes pour pisser de la copie sur tous les écrans de notre vie. Mon rédac chef s’appelle Yahoo! ou AOL… ce n’est plus de la Science-Fiction. C’est déjà demain !

Yahoo! en pince pour les blogs du HuffPo

Voyez ce papier de TechCrunch, le site d’info biztech du toujours bien informé Michael Arrington. Le truc dit en substance que Yahoo! veut croquer tout rond le gentil Huffington Post dont je vous parlais dans mon précédent billet. Pour moi le HuffPo était censé montrer la voie à la vieille presse : marier le meilleur des blogs à de l’info sérieuse (avec un zeste de people et de sexe) pour proposer le tout gratuitement aux internautes avides de scoops et d’humeur… on avait enfin trouvé la recette miracle pour exploser les chiffres d’audience et obliger ces radins d’annonceurs à sortir enfin leur chéquier !

De fait ce site fondé il y a tout juste cinq ans cartonne aujourd’hui au point de talonner la version online du prestigieux “New-York Times” avec 13 millions de visiteurs uniques aux US et 22 millions au niveau mondial. Sa trajectoire semblait toute tracée : l’enthousiaste Henry Blodget de Business Insider voyant même le Huffington Post rivaliser un jour en toute indépendance avec CNN !

Pwnd

Et Patatra voilà que TechCrunch assure que Yahoo ! et Ariana Huffington la taulière du HuffPo en sont à parler gros sous : le site d’info le plus “trendy” du moment serait valorisé entre 125…et 360 millions de dollars sur la base de son chiffre d’affaires qui double tous les ans (30 millions cette année, 60 millions prévus pour l’an prochain).

Bien plus en tout cas que ce que vaut un vieux journal papier comme “Le Monde”. Tout prestigieux soit-il, le grand quotidien du soir s’apprête à se vendre pour à peine 60 à 80 millions d’euros à l’étrange attelage constitué par le “mécène” Pierre Bergé, le banquier “rock’n roll” Mathieu Pigasse et le fondateur de Free “il à tout compris” Xavier Niel. A moins que ce soit à Claude “SFA” Perdriel, le patron du “Nouvel Obs”…mais c’est une autre histoire.

Agrégateur plus que producteur

Revenons à nos géants du Net en plein trip Citizen Kane. Yahoo!, qui en pince aujourd’hui pour les blogs du HuffPo, a une longue expérience en matière d’agrégation de contenus: le portail a toujours proposé à ses visiteurs de l’info (actualités générales, sports, entertainment…) grâce à des partenariats avec des agences de presse et des journaux. Et il n’en est pas à son coup d’essai en matière d’incursion journalistique : en 2003, Yahoo ! avait même envoyé quelques reporters “embedded” couvrir l’invasion de l’Irak, la chute de Saddam et la traque aux armes de destruction massive qui n’existaient pas.

Mais à l’époque la chute des icônes high-tech à Wall Street avait mis fin à l’expérience. Aujourd’hui, le groupe californien semble donc tenté de constituer autour de lui un petit empire de médias susceptible de lui fournir de l’info prête à consommer.

Mais il pourrait miser plus sur le journalisme participatif que sur les professionnels de la profession: Yahoo! a racheté pour 100 millions de dollars Associated Content, un agrégateur de news syndiquant des milliers contributeurs non professionnels qui écrivent des articles, prennent des photos, proposent des contenus vidéos…

Selon TechCrunch, le groupe de Carol Bartz est bel et bien décidé à satisfaire lui-même ses énormes besoins en contenus. Reste à savoir si Yahoo! France suivra demain sa maison-mère dans cette stratégie médiatique. Pour l’heure, cela ne semble pas à l’ordre du jour.

AOL construit son usine à produire de l’info

Yahoo! n’est pas la seule firme Internet à vouloir devenir auto-suffisante en infos. Fraîchement divorcé du géant américain des médias Time Warner, le concurrent AOL a carrément entrepris d’embaucher une armée de journalistes dans le cadre de son programme Seed : 500 rédacteurs salariés travaillent d’ores et déjà pour la compagnie dirigée par Tim Amstrong (sur la photo, il est en cravate:  regardez comme il est content).

AOL employerait par ailleurs près de 3500 journalistes à la pige. Pas besoin d’aller chercher loin pour recruter : aux Etats-Unis, 10.000 journalistes se sont retrouvés au chômage entre 2007 et 2009… AOL alignerait donc au total 4000 plumitifs, soit le nombre de salariés actuellement employés par le “New-York Times” et le “Herald tribune” réunis. Tout ce joli monde écrit de la news à la chaine pour alimenter les 80 sites thématiques (actualité, finance, automobile, loisirs, famille, culture etc…) agrégés par AOL pour 30 à 300 dollars le feuillet en fonction du statut (petite main ou grande signature). Avec un seul mot d’ordre : “satisfaire la curiosité des internautes”. Mais AOL France, qui a licencié la plupart de ses salariés et ressemble de plus en plus à un agrégateur fantôme, n’a aucun projet en ce sens chez nous.

Tim Amstrong définit Seed comme une “content powerhouse”, autrement dit une “usine à contenus”. Ça a le mérite d’être clair. Et la firme internet basée à Dulles près de Washington fait elle aussi son marché. AOL a récemment racheté le site de news “hyperlocales” Patch pour 50 millions de dollars. L’info de proximité et les petites annonces qui vont avec sont furieusement tendance ces temps-ci. Et puis aussi StudioNow qui produit des contenus vidéo…

Google engrange : pourquoi s’emmerder avec des journalistes ?

En revanche, Google, qui a plutôt mauvaise presse en ce moment dans la profession, n’envisage toujours pas, à ce jour, de devenir un producteur de news. Un cadre dirigeant de la filiale française me l’a encore redit l’autre jour.

“Pourquoi s’emmerder avec des journalistes fort en gueule ou geignards quand on se fait des “golden balls” sans bouger le petit doigt ?”.

Bon c’est sûr c’était plutôt formulé comme ça :

“Notre mission, c’est d’organiser le monde de l’information pour les internautes et non de produire de l’information”.

Mais l’idée était là. Au tournant des années 2000, la plupart des journaux ont naïvement abandonné leurs contenus à Google News en pensant bâtir un business-modèle internet viable à partir de l’audience que leur apportait le “gentil” géant de l’internet.

On connaît la suite de l’histoire : l’idée que l’info était gratuite sur le web s’est installée dans l’esprit des internautes et la presse n’a jamais vu la couleur du grisbi qu’elle attendait de la publicité en ligne. La pub ? Elle a fait la fortune de Google qui a engrangé l’an dernier près de 25 milliards de dollars de chiffre d’affaires : le géant de Mountain View truste aujourd’hui 90 % du marché des liens sponsorisés, quand les bannières des sites de journaux sont achetées par les annonceurs à un coût pour mille d’usurier.

... mais pour combien de temps?

Et Rupert Murdoch a beau traiter Google de “vampire” et menacer de lui interdire de référencer ses journaux (entre autres le “Wall Street Journal” et le “Times” de Londres) pour aller dealer avec Microsoft et son moteur Bing…il ne l’a toujours pas fait six mois après ses déclarations va-t-en guerre.

Alors pourquoi changer une formule gagnante : je pompe ton info gratos, je fais mon beurre dessus tout en faisant mine de t’offrir des “solutions” pour monétiser tes contenus. Début avril, le boss de Google Eric Schmidt se disait encore “confiant” sur la manière dont les journaux allaient “se sauver par eux-mêmes” en utilisant les fantastiques possibilités du web. Sacré farceur ! Il faut voir comment la culture internet a du mal à pénétrer les vieilles rédactions papier et le peu d’enthousiasme des lecteurs à payer pour lire des articles auxquels ils avaient jusque-là accès gratuitement…Et ce n’est pas l’iPad d’Apple qui devrait changer la donne d’un coup de sainte tablette magique.

Gaffe la source des news fraîches se tarit

Mais contrairement à Google, d’autres grands dévoreurs de “contenus” gratuits comme Yahoo!, AOL et quelques autres (Microsoft bientôt ? Après tout le géant du logiciel a bien lancé Slate.com dans les années 90 avant de le revendre en 2004) ont bien compris qu’à force de saper l’économie sub-claquante des journaux de l’ère Gutenberg, ils risquaient bien de tarir la source où ils viennent siphonner de la “news” fraîche ! Car au train où vont les choses, il n’y aura bientôt (dans 3 ans ? 5 ans ?) plus de grands quotidiens ni de bons journalistes en état de produire de l’actualité “à l’ancienne”. Or le consommateur, tout comme la nature, a horreur des rayonnages vides, surtout dans l’univers informationnel en perpétuelle expansion du cyberspace…

Les géants de l’Internet se mettant à produire de l’info pour leur propre compte, on en parlait déjà il y a dix ans. Mais quand la bulle a éclaté, la plupart des stars du Web ont enterré l’idée de faire du journalisme maison au fond d’un serveur et on n’en a plus parlé. Aujourd’hui elle revient en force vu l’état de décomposition avancé dans lequel se retrouve la vieille presse. Histoire centenaire ou non, des centaines de journaux à travers le monde ont du stopper leurs antiques rotatives ces deux ou trois dernières années, envoyant pointer au chômage des milliers de journalistes… ceux là même qui rêvent aujourd’hui de se faire embaucher par Yahoo! ou AOL !

Pour eux tout n’est pas perdu si la réponse est négative. Car voilà que nos amis communicants se mettent eux aussi en tête d’ “embedder” des journalistes. Prenez ce récent papier de “The Independent” qui révélait la récente embauche de l’ancien patron de BBC News Richard Sambrook par le cabinet de relations publiques américain Edelman…Le titre de la nouvelle recrue est très parlant : “Chief content officer”. Sa mission : produire des messages Canada Dry qui puissent passer aux yeux du public pour de la bonne information millésimée !

“Le nouveau mantra c’est que chaque entreprise doit devenir un media de son propre chef, raconter ses propres histoires non plus à travers de simples sites Internet, mais via des contenus vidéos, du divertissement, sur l’iPad et les téléphones mobiles”,

expliquait récemment ce cher Mister Sambrook avec l’enthousiasme des nouveaux convertis ! C’est ce qui s’appelle passer du côté obscur de la force… Et vous chers confrères, seriez-vous prêts à vous servir de ce que vous avez appris dans la grande presse, à renier tout ce à quoi vous avez cru pendant des années (Tintin, Albert Londres, Hunter Thompson…), à enterrer vos rêves de gosse en treillis de grand reporter pour aller vous vendre à la première agence de pub venue ?

Conseil d’ami aux confrères

Well, et bien à choisir, si je pointais au chômage (évitons, il fait vraiment froid dehors même si c’est bientôt l’été), je préférerais peut-être aller bosser pour Yahoo ! et AOL… Après tout les journaux sont déjà devenus “des entreprises comme les autres” (argh c’est un fait).

Alors quitte à bosser pour une entreprise, autant choisir un secteur d’avenir : l’Internet of course. C’est là qu’on recrutera demain ceux qui ne savent rien faire d’autre que raconter l’histoire au jour le jour. Et tant pis si l’on y perd au passage ses sept semaines de vacances, ses RTT, sa carte de presse, la réduction d’impôts et l’entrée libre dans les musées qui vont avec…Quand à se faire des “golden balls”, il ne faut pas trop en demander quand même.

La bulle Internet c’était il y a dix ans déjà. Les salaires de misère actuellement pratiqués dans les rédactions Web sembleront donc tout à fait indiqués à vos futurs employeurs. Alors conseil d’ami : si vous êtes journaliste en poste dans un “vrai” journal, estimez vous heureux d’avoir encore un boulot par les temps qui courent et essayez de le garder le plus longtemps possible avant d’aller toquer à la porte de nos amis Yahoo ! et AOL. Sans parler de celle des communiquants.

Illustrations CC Flickr > Thomas Hawk, RogueSun Media , Somewhat Frank, sonicbloom

Article initialement publié sur Sur Mon Écran Radar

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Le web chinois, un énorme intranet ? http://owni.fr/2010/05/04/le-web-chinois-un-enorme-intranet/ http://owni.fr/2010/05/04/le-web-chinois-un-enorme-intranet/#comments Tue, 04 May 2010 15:20:46 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=9799 Pas si simple ! … C’est vrai, en référence à la fameuse Grande Muraille de Chine, les blogueurs chinois parlent souvent du “Great Firewall”, qui entoure -ou protège- leur Internet, le transformant de facto en… intranet géant. Mais, comme souvent, la réalité est plus complexe :

> Comment expliquer, par exemple, que Danwei, site produit en anglais depuis Pékin sur les médias et la pub, soit bloqué depuis la Chine, alors que son fondateur, le Sud-Africain Jeremy Goldkorn, conseille le gouvernement Chinois en matière d’Internet?

> Pourquoi les blogueurs chinois se moquent-ils volontiers de Google, qu’ils jugent très naïf de croire qu’il va parler politique avec Pékin? “La vérité, c’est qu’ils s’en fichent! Ils utilisent Baidu, pas Google!”, m’explique Gang Lu, qui dirige, entre autres, Mobinode, blog sur la high tech d’Asie depuis Shanghai.

> Comment généraliser sur des Chinois, qui, pour les uns, versés dans les nouvelles technologies, urbains et vivant près des côtes, sont frustrés par « le Grand Firewall » mais qui cohabitent avec d’autres, qui n’ont jamais été particulièrement gênés par ces blocages et qui s’en moquent » ? souligne Kaiser Kuo, de la firme Ogilvy.

« La réalité aussi, c’est que la scène web chinoise est aujourd’hui en pleine effervescence et n’a pas grand chose à envier à l’américaine ou l’européenne, à condition … de rester dans un certain cadre”, me précise l’américain Bill Bishop, qui écrit, depuis Pékin, le blog DigiCha sur les nouveaux médias en Chine.

Une chose est sûre : comme à San Francisco, Londres ou Madrid, l’usage des nouveaux médias sociaux est ici massif. Les blogs, le microblogging, les jeux et les vidéos en ligne sont plébiscités par les quelque 400 millions d’internautes de Pékin, Shanghai ou Canton…

Ici, Youku est un clone de YouTube, Kaixin001 l’équivalent de Facebook et QQ la messagerie instantanée la plus populaire, au sein du portail Tencent, devenu la plus grande plate-forme de médias sociaux de Chine, avant même Yahoo!

Le plus grand portail chinois Sina a lancé un clone de Twitter, inaccessible, lui, depuis la Chine (sauf via un VPN ou un smart phone occidental). A noter aussi un format local original d’expression en ligne pour le public, encore plus répandu que les 60 millions de blogs: le “BBS” (Bulletin Board System).

“Il n’est pratiquement plus possible de cacher quelque chose d’important en Chine (….) Le gouvernement de Pékin ne peut pas empêcher quelqu’un de télécharger un document, au moins une fois, quelque part”, estime Jeremy Goldkorn, qui souligne que les blogs ont été utiles, ces dernières années, pour exposer de nombreuses affaires locales.

“L’Internet a ainsi permis à des citoyens internautes chinois de dénoncer des responsables corrompus. Le gouvernement laisse faire tant que les personnes incriminées n’ont pas un rang trop important”, ajoute Bishop.

Le site populaire ChinaSmack, basé à Shanghai, s’en fait souvent l’écho en anglais, tout comme le blog EastSouthWestNorth ZonaEuropa, depuis Hong Kong, qui traduit des journaux et blogs chinois. L’humour y est souvent un bon moyen de détourner la censure.

“L’Internet est le lieu unique d’expression publique en Chine et est jugé plus fiable que les médias officiels”, rapporte un journaliste occidental en poste depuis longtemps à Pékin.

Même le Premier ministre Chinois se soumet, comme la semaine dernière, à des “chats vidéo” en ligne.

Sur le web, les news plus générales restent, elles, du domaine des grands portails, qui les produisent ou les distribuent, à l’image des premiers d’entre eux, Sina, NetEase ou Sohu. L’information est gratuite partout, d’autant que les médias sont très largement subventionnés par l’État, achetés par les millions de cadres du parti, que la loi autorise la reproduction des articles, et que la lutte contre le piratage est extrêmement difficile (même si récemment de gros efforts internes ont été mis en œuvre pour mieux respecter les droits d’auteur).


Business Models

En Chine, l’avenir de la monétisation de l’information en ligne semble passer par des abonnements mensuels ou des micro-paiements: déjà quelques magazines de mode se font ainsi rémunérer (en version pdf améliorée), via des sites très populaires de littérature et de jeux en ligne, comme Shanda, où les gens paient. La vente d’objets virtuels, liés à des jeux ou des contenus connait aussi ici un très fort développement.

L’internet sur téléphone mobile, plus naturellement lié à des paiements, est en plein essor. La 3G n’est opérationnelle que depuis 2009 et des smart phones sont disponibles à moins de 100 euros. Enfin, la publicité sur Internet commence à décoller (déjà environ 2 milliards $).


Mais de grandes différences subsistent entre le paysage média chinois et celui d’Amérique du Nord et d’Europe:


»Les médias traditionnels chinois (papier, radio, TV) restent florissants, même si les jeunes ne lisent quasiment pas les journaux et regardent de moins en moins la télévision.

»Les Asiatiques de l’Est sont très à l’aise avec les technologies (notamment mobiles où ils dévorent la littérature) mais l’innovation reste un problème.

»Les journalistes chinois ont rapidement adopté les blogs, y voyant un moyen de s’exprimer un tout petit peu plus librement.

»Le rôle de l’État est énorme, dans le soutien économique des médias, comme dans leur contrôle.

« The Great Firewall »

C’est vrai “l’environnement web chinois est très hostile et très censuré, mais pas plus qu’avant”, estime Jeremy Goldkorn.

Ce fameux contrôle, explique Bishop, s’exerce de plusieurs manières:

» un blocage technique très sophistiqué de sites, d’articles de certains sites (notamment de la presse étrangère), de billets de blogs, ou de commentaires.

» un processus d’ouverture de site, blog ou d’écritures de commentaires très tatillon, puisqu’il faut s’engager à ne rien publier d’illégal ou de sensible (une liste de mots interdits serait disponible).

» un mécanisme très efficace d’auto-censure généralisé.

Reste à voir, comme le prévoyait il y a quelques années, en privé, un expert en télécommunications de la Banque Mondiale à Washington, la Chine — qui est à elle seule tout un monde– ne va pas finalement se contenter de développer son propre Internet, de plus en plus séparé du notre. Avant peut-être de convaincre d’autres pays de l’utiliser ou d’imiter son modèle, comme dans d’autres secteurs.

D’ici là, comme la fameuse Grande Muraille, pleine de trous et parfois faite de terre, n’a pas empêché les invasions Mongoles, l’Internet chinois est encore perméable et la tentation est grande aussi pour les grandes compagnies du pays, sans dettes, très rentables et pleines de cash, d’aller faire des emplettes à l’extérieur de l’Empire du Milieu. Aux Etats-Unis par exemple…

Après tout, les Pékinois, cet hiver, se sont rués dans les salles pour aller voir “Avatar” et ont boudé ….”Confucius”.

(ps: Facebook, YouTube, Twitter n’étaient pas accessibles depuis l’Internet chinois en cette première semaine de mars 2010).

Le bureau du Times de Londres dans le parc Ritan au centre de Pékin

> Article initialement publié sur AFP Mediawatch

>Illustrations CC par Grumpy.Editor, The man with the golden cam

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Données personnelles: orage dans les nuages http://owni.fr/2010/04/20/donnees-personnelles-orage-dans-les-nuages/ http://owni.fr/2010/04/20/donnees-personnelles-orage-dans-les-nuages/#comments Tue, 20 Apr 2010 10:03:58 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=12657 Nicolas Kayser-Bril, qui s’occupe du datajournalisme ici chez OWNI, pige aussi aux Inrocks où il tient le blog Web-Obscur. Consacré aux arnaques et aux manipulations sur Internet, ses articles se penchent régulièrement sur les risques du cloud computing. Celui qui suit est une synthèse d’un article de février et de son follow-up d’avril.

Rocío Lara / CC Flickr

Où sont mes données lorsque je les stocke en ligne sur Hotmail, Flickr ou Google Docs? Plusieurs affaires américaines sont venues souligner l’importance du problème ces derniers mois.

La complexité du statut juridique de données faisant plusieurs fois le tour du monde dans la journée et stockées sur des serveurs dans des endroits tenus secrets, fait qu’il est quasi-impossible d’évaluer précisément les risques posés par le cloud computing.

USA, Chine, Russie, France: Vos données ne se cachent plus

En août 2009, lors d’une enquête sur des spammeurs, le FBI a obtenu un mandat l’autorisant à exiger de Google de lui fournir tous les Google Docs d’un suspect (voir l’article de Wired). 10 jours après, Google leur a envoyé les documents, dont une feuille de calcul contenait plus de 3 millions d’adresses spammées. Sans le cloud computing, obtenir une telle pièce à conviction aurait pris des semaines, puisqu’il aurait fallu aller la chercher sur le disque dur du suspect. Et encore, il aurait pu tout avoir effacé.

Le mieux dans cette histoire: Le FBI n’avait même pas besoin de mandat. Une loi de 1986, le Stored Communications Act, autorise la police à accéder aux documents personnels stockés sur un serveur après un délai de 180 jours. Ce qui était sensé dans les années 1980 (lorsque les documents ne faisaient que transiter du serveur vers des ordinateurs distants) provoque un joli maelström à l’heure de l’informatique dans les nuages.

En utilisant cette loi surannée, un procureur général américain a voulu forcer Yahoo à transmettre des e-mails plus récents que 180 jours, sous prétexte que l’utilisateur les avait déjà lus (toujours chezWired).

Cette demande a provoqué une levée de boucliers chez les défenseurs de la vie privée outre-Atlantique. Soutenu par Google et l’Electronic Frontier Foundation, Yahoo a tenu bon, empêchant ainsi les flics US de lire à loisir les e-mails d’une vaste majorité d’Américains.

De l’autre côté du Pacifique, le 12 janvier dernier, Google annonçait que le gouvernement chinois avait pénétré ses serveurs et extrait des informations concernant les comptes Gmail de 2 opposants. Les fonctionnaires chinois seraient donc en mesure de s’introduire où bon leur semble dans les serveurs de Google.

Un peu plus à l’ouest, en 2007. Microsoft annonce l’ouverture prochaine d’un parc de serveurs à Irkoutsk, en Sibérie. Depuis, silence radio. Microsoft semble avoir levé le pied sur son investissement russe.

La raison? 4 mois après avoir signé un accord avec la région d’Irkoutskle FSB (ex-KGB) est venu mettre son nez dans le dossier en affirmant que si Microsoft n’était pas 100% transparent dans la manière de stocker les données, ses serveurs constituaient une menace pour la sécurité de l’État. En d’autres termes: Vous nous donnez l’accès à vos serveurs ou on ne vous laisse pas vous installer.

Retour en France pour finir, où en 2007, un médecin isérois partageant par mail avec ses collègues ses réserves quant au bien-fondé d’une mesure gouvernementale s’est vu convoqué chez le sous-préfet. Comment les e-mails se sont-ils retrouvés à la préfecture? Nul ne le sait.

Résultat, si vos données sont hébergées par un fournisseur basé aux États-Unis, ou même sur un serveur installé là-bas, la police n’a pas beaucoup d’obstacles à franchir pour y avoir accès. Si elles sont hébergées en Chine ou en Russie, le gouvernement n’a pas l’air de se gêner pour glaner ce qui l’intéresse. En France non plus, vos mails ne semblent pas protégés outre mesure.

Ivan Walsh / CC Flickr

Pourquoi tant de flou ?

En théorie, d’après la loi Informatique et Libertés de 1978, chacun a un droit d’accès à ses données personnelles, ainsi que le droit de savoir si ses données sont envoyées en dehors de l’Union Européenne. En réalité, il est très difficile de localiser des données en particulier. Les géants du web, les Microsoft ou Google qui gèrent des dizaines de milliers de serveurs, équilibrent la charge entre leurs différentes ‘fermes’, de manière à pouvoir servir de manière optimale la partie du monde où les internautes sont éveillés.

Résultats, vos données peuvent être stockées en Belgique aujourd’hui et à Shanghai cette nuit. Difficile dans ces cas là de donner aux internautes une réponse définitive concernant la localisation de leurs fichiers. Je ne parle même pas des entreprises qui sous-traitent l’hébergement des données de leurs utilisateurs.

Le statut des données stockées dans les nuages manque de clarté. En  France, la loi relative au secret des correspondances électroniques de 1991 dispose que la force publique ne peut mettre son nez dans vos mails que si la sécurité nationale est en cause (ou le grand banditisme, ou le terrorisme – le genre de choses qui a peu de chances de vous concerner). Et c’est le premier ministre qui doit autoriser et motiver l’autorisation d’espionner.

La loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2004, qui devait éclaircir les choses, s’est bien gardée de trancher le débat. Elle définit l’e-mail mais en fait l’égal d’une lettre, ce que le conseil constitutionnel a confirmé par la suite. Pour les juges, les policiers et les citoyens, le message est clair: Débrouillez-vous !

Face à une loi aussi peu adaptée aux enquêtes ordinaires, c’est le flou qui domine. La distinction entre correspondance privée et professionnelle, par exemple, oscille depuis deux dizaines d’années. Un jugement de janvier 2010 semble dire que les emails envoyés depuis le lieu de travail ne relèvent pas de la correspondance privée. Il vient à l’encontre d’un jugement de 2001 qui disait exactement l’inverse, c’est-à-dire que toute correspondance électronique envoyée à un seul destinataire depuis une adresse protégée par mot de passe est privée. Jusqu’à ce que la cour de cassation tranche, les juges seront libres de se fonder sur l’une ou l’autre des décisions.

Un cocktail de lois nationales

Alors, faut-il préférer une loi Américaine qui ne protège que modérément l’utilisateur ou une loi française qui hésite depuis 20 ans sur la démarche à adopter? Et quels services sont soumis à quelles lois?

Dans une décision d’avril 2008, le TGI de Paris a affirmé que les lois françaises ne s’appliquaient pas aux services hébergés aux Etats-Unis. Les juges ont débouté une française exigeant que Google efface ses interventions sur Google Groups. Même s’ils ont souligné que la loi de 1978, censée donner aux internautes un droit d’accès à leurs données, ne s’appliquait pas à une entreprise californienne, les attendus expliquaient aussi que la plaignante pouvait faire le travail elle-même, en effaçant les messages à la main. Encore une fois, tant que la Cour de Cassation ne s’est pas prononcée, nul ne sait à quoi s’en tenir.

Mais de toute façon, une décision de justice en France peut très bien être contredite par un jugement américain. Un article de Bloomberg recense la flopée de jugements internationaux n’ayant aboutis à rien, faute de coordination entre juges européens et américains.

Pour Stéphane Grégoire, chargé de mission au Forum des droits sur l’internet, que j’avais interviewé en février, la solution à ce méli-mélo juridique est d’unifier le droit du cloud computing au niveau mondial. Les sites globaux, comme Facebook, sont soumis à 130 lois nationales différentes. Impossible dans ces conditions de créer des services sur mesure pour respecter les législations locales.

Dans ce but, le groupe de travail G29, qui rassemble les 27 CNIL européennes, propose pour commencer d’unifier la notion de ‘données à caractère personnel’ (voir l’avis). En effet, les textes communautaires laissent aux 27 membres de l’Union une bonne marge de manœuvre pour décider de l’interprétation de ce terme.

Pour une nouvelle approche du problème

La loi de 1978 se focalisait sur les données physiques et l’approche du législateur a peu changé depuis. A l’époque, il s’agissait de savoir si les cartes perforées, les bandes magnétiques et les disquettes seraient envoyées à l’étranger pour traitement. Et vu qu’un gigabit pesait une trentaine de kilos (stocké sur 320 Commodore Datasette, par exemple) contre un demi gramme aujourd’hui sur carte SD, il était plus facile de suivre les données à la trace.

Impossible à faire respecter aujourd’hui, ces dispositions doivent être revues. C’est ce qu’affirme Peter Fleischer, grand gourou de la vie privée chez Google. Selon lui, l’accès aux données est secondaire. L’important, c’est de savoir quelles sont les mesures prises pour les protéger, quelles sont les protocoles pour y accéder, etc. En effet, dans sa guerre de com’ contre le gouvernement chinois, Google a révélé que la plupart des comptes Gmail compromis résultent de vols de mot de passes via des sites de phishing.

Le plus grand danger des sites communautaire ne vient pas d’une attaque extérieure, mais bien du voyeurisme des employés. Chez Facebook, les employés peuvent voir quels sont les profils que vous consultez. Loin d’en avoir honte, ils considèrent ça comme un des avantages du métier, selon Valleywag. C’était en 2007 et les choses ont sûrement beaucoup changées depuis, mais les procédures de sécurité internes laissent souvent à désirer.

Quand elles existent.

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Frontières digitales http://owni.fr/2010/03/17/frontieres-digitales/ http://owni.fr/2010/03/17/frontieres-digitales/#comments Wed, 17 Mar 2010 12:23:58 +0000 Cyroul http://owni.fr/?p=10242 Cyril Rimbaud, aka Cyroul,  dresse dans ce billet “spécial-soucoupe” un état des lieux des frontières digitales et envisage leurs évolutions futures. Car le digital est un territoire, c’est-à-dire un espace à la géographie mouvante, basée sur des spécificités naturelles ou technologiques, des appartenances culturelles ou linguistiques…”

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Digital is not a media, it is a territoryannonçait il y a 2 ans le suédois Måns Tesch (Digital Strategy Director et initiateur de l’immense saga digitale de Stella Artois).
Effectivement, le digital* est un territoire, c’est-à-dire un espace à la géographie mouvante, basée sur des spécificités naturelles ou technologiques, des appartenances culturelles; linguistiques ou même juridiquement différentes.

Et qui dit territoire, dit frontières. Les frontières du digital existent. Ce sont des limites évidentes ou pas, qui se forment et se déforment au grès des migrations des internautes et du grand jeu géo-politico-social des grands e-conquérants d’aujourd’hui, futurs e-gouvernants de demain.
Alors l’internaute saura-t-il s’affranchir de ces frontières digitales ou deviendra-t-il captif de ces grands territoires numériques ?

Des frontières sans avenir

Les frontières les plus visibles des territoires du digital sont les frontières matérielles. Les différences sont immédiates entre un téléphone mobile, le GPS d’une voiture, une console de jeux vidéo ou une télévision HD. Des frontières évidentes donc, mais temporaires, car elles disparaissent peu à peu.

D’ici 2 ans, en effet, de manière tout à fait naturelle, vous jouerez avec votre ordinateur de voiture et vous surferez sur le web avec votre télé (téléphoner avec son ordinateur et surfer avec son téléphone mobile ne sont-ils pas déjà des usages actuels ?). Ces frontières matérielles vont donc s’effacer pour vous permettre une connexion permanente, où que vous vous trouviez. Oublions donc ces frontières obsolètes !

D’autres frontières en voie de disparition vont être les frontières des services Internet. Il y a 10 ans, il fallait en effet s’y connaitre pour savoir utiliser d’autres protocoles que les traditionnelles http et smtp (respectivement réservés au web et aux e-mails). Aujourd’hui, vous manipulez les protocoles irctelnet ou même ftp sans vous en rendre compte. Suivant la philosophie du tout-en-un instaurée par Firefox, les nouvelles générations de navigateurs vous permettent de mélanger tous les protocoles de services. Vous pouvez lire vos mails, chatter, utiliser le FTP, et tout ça avec un seul outil.

Bientôt votre OS (Operating System comme Windows ou MacOS) sera lui-même une sorte de gros navigateur web et tous vos services seront on-line. Non, ces frontières n’existeront plus (sauf pour un développeur informatique), alors n’en parlons plus.

Au delà de ces frontières très matérielles, on trouve des frontières d’expertise qui vont isoler le débrouillard (digital smart) du profane (digital less). Le digital smart, c’est celui qui agrège ses flux RSS sur Netvibes, qui utilise Delicious pour ne pas perdre ses bookmarks, qui utilise une dizaine de moteurs de recherche spécifiques, qui sait gérer sa e-reputation lui-même. Le profane c’est celui qui lance une recherche via le portail de son FAI, qui ne comprend pas pourquoi des photos de lui à poil se promènent sur la toile, qui ne sait jamais retrouver le site génial qu’il a vu il y a 2 semaines, qui passe le plus clair de son temps à remplir des formulaires d’inscription à des concours et le reste à supprimer le spam de sa boite e-mail.

Heureusement, il s’agit de frontières faciles à franchir. Un peu comme dans la vraie vie en fait. Il suffira de se renseigner, d’avoir de bons amis, et de beaucoup travailler et votre expertise grandira. Évidemment tout ça prend du temps. Et ce sera à l’internaute de voir si cet investissement personnel vaut le coup ou s’il continuera à croire ce que lui dit son pourvoyeur de média favoris. Et puis une génération chassant l’autre, l’expertise va se déplacer (votre vieille maman sait se servir d’un e-mail non ?).

De vraies frontières insoupçonnées

Mais votre môman, qui ne parle que le Français, va éviter de se promener sur des sites écrits dans une langue étrangère. Elle va se heurter aux frontières du langage, frontières que l’on retrouve dans la vie réelle, mais qui sont encore plus évidentes sur Internet. Mais plus qu’un problème de traduction, les véritables frontière entre les sites sont des frontières culturelles, reliées à des typologie d’utilisateurs utilisant constamment moult abréviations, acronymes, et autres références cryptiques qu’elle n’arrivera pas à déchiffrer.

P eu à peu se créent des vocabulaires propres à des populations précises. Le langage spécifique et l’absence de besoin de votre môman la tiendront éloignée définitivement de ces territoires qui lui seront ouverts, mais qu’elle n’explorera jamais. Alors forcément, votre mère ne sait pas lire le L337 couramment. Mais vous-même, arrivez vous à lire le langage sms d’un skyblog sur Tokyo Hotel ? Ou encore le blog d’une guilde de MMORPG ? Ou encore un forum de passionnés de Unoa ? Illisible pour vous, ces frontières vous resteront à jamais inviolables si vous n’apprenez pas ces langages (et comme vous n’y voyez aucun intérêt pratique, vous ne risquez pas d’y mettre les pieds…).

Votre voyage dans le territoire digital va forcément dépendre de vos besoins. Et les besoins des Internautes étant tous différents, ceux-ci vont dessiner les contours des territoires numériques. C’est là que se dressent les frontières des usages. Vous avez besoin d’un itinéraire précis pour votre week-end à la campagne ? Hop, faites un tour dans le territoire des mappeurs/géographeurs, vous voulez acheter un cadeau pour la fête des mères ? vous voilà dans le royaume du consommateur pressé, besoin d’une petite pause détente ? direction les collines verdoyantes des jeux en ligne, besoin de calmer votre libido ? hop direction l’océan des sites de charme, besoin de glander au bureau ? butinez dans la galaxie des blogs gossip, etc., etc.

Ces territoire sont construits par des entreprises (services web, publicités, FAI) dont l’objectif principal est de créer de l’audience récurrente, c’est-à-dire d’attirer le plus possible d’habitants sur leur territoire. Ils se livrent donc de farouches batailles à coup d’investissements massifs dans des bannières de pub, d’achat surprise de mots clés, de SEO illégal ou même de campagnes de calomn-e. Car ceux qui arrivent à attirer le plus d’audience auront les territoires les plus peuplés, et de ce fait les plus riches.

Une représentation des territoires numériques. Cliquez pour télécharger /-)

Une représentation des territoires numériques. Cliquez pour télécharger /-)


Des arguments libertaires pour mieux construire des frontières liberticides

Le plus grand argument de vente depuis l’avènement de la techno-conso est la maîtrise de la complexité (par exemple votre lecteur iphone est bourré de technologie de pointe, mais il n’a qu’un gros bouton en façade). Depuis 3 ans, la plupart des grands empires du digital (google, microsoft, yahoo, myspace, orange, …) ont donc axé leurs efforts sur la simplification des potentialités du digital.

Car vous pouvez tout faire avec le digital, oui, mais comment ? Alors, eux vont vous l’expliquer. Le premier pas pour créer des ponts entre les frontières vues auparavant a été la création de pages permettant d’accéder à l’information. Google a ainsi crée le moteur de recherche, outil le plus primitif pour trouver une information sur le web. Yahoo au départ moteur de recherche s’est, lui, recentré sur la création d’un portail suivi dans ce sens par MSN, Orange (et la plupart des fournisseurs d’accès à Internet).

Mais plutôt que de simplement guider l’internaute dans la jungle du web, ces e-empires ont décidé d’immerger l’utilisateur dans le digital, en lui faisant découvrir les outils de demain (c’est-à-dire les services web qu’il pourra facturer ou monnayer d’ici quelques temps). Ces e-conquérants ont multiplié les contenus et expériences digitales accessibles à partir de leur page d’accès. Ils ont ainsi acheté ou développé des partenariats avec des réseaux sociaux, des outils pour créer son blog, pour afficher des itinéraires, la météo, les programmes tv, pour gérer ses photos, de la musique, des vidéos, des jeux vidéos, et même des boutiques en ligne. Ils ne s’en cachent pas.

Alors sous prétexte de supprimer ces frontières, ces grands e-empires renforcent la profondeur de leurs séparations, afin de rendre l’utilisateur captif de leur territoire. L’empêcher de fuir, de quitter leur royaume. Pourquoi aller ailleurs alors qu’il y a tout ce dont il a besoin ici ? Les frontières digitales de demain se créent véritablement ici et, maintenant, dans cette grande bataille d’offre de contenus et services gratuits aux internautes perdus dans la jungle digitale.

Ségrégations digitales en vue

A quoi ressemblera le territoire du digital dans 4 ans ? Nul ne peut le dire avec précision. La pangée Internet originelle va se transformer et s’organiser au gré des batailles et des victoires de ses e-conquérants. Mais si on ne peut prédire sa géographie définitive, il est certain qu’on y trouvera au moins 3 aires définies par leurs usages et population :

1> Des lieux étanches aux frontières fortement fermées réservées à une population très identifiée (par le numéro de CB, leur identifiant numérique, ou encore pire, leur numéro de sécu) au contenu entièrement filtré et surveillé. Véritables ghettos numériques, ce seront les grands réseaux privés des entreprises, des FAI et des gros pontes du web (msn, google, yahoo, facebook, …), de producteurs exclusifs de contenus (à l’instar de la BBC) et également de certains pays (Chine).

2> Des lieux où l’on pourra trouver un contenu moyennement surveillé où se déroulera la guerre des pontes ci-dessus. Des lieux de liberté contrôlés partiellement par les états (ou les corporations qui les auront remplacés) qui feront ce qu’ils peuvent pour maintenir un semblant de contrôle dans un système qui ne s’y prête pas. Hadopi est l’exemple type de cette tentative de contrôle inutile.

3> Et de véritables zones de liberté digitales (des zones d’autonomie temporaire chères à Hakim Bey), véritables zones franches où se côtoieront les hackers fous, les cyber-punks arty, les chercheurs d’e-motions fortes, les para-religieux, les salar-e-men véreux et des harcore gamers. Où l’on pourra trouver, acheter, voler tout ce qu’on veut, mais aussi ce qu’on ne veut pas forcément. Zones sans surveillance, au langage et aux coutumes spécifiques, elles nécessiteront de s’y connaître en technologie et usages, sous peine de ne pas réussir à s’en sortir sans casse.<

Google/Yahoo/Microsoft Free Zone

Google/Yahoo/Microsoft Free Zone

Frontières digitales = frontières de liberté

Ces 3 frontières, dont les contours s’esquissent déjà aujourd’hui, sont prévisibles, et inéluctables. Elles vont entrainer une séparation entre les voyageurs digitaux “libres” (qui peuvent passer d’une frontière à l’autre) et les autres, prisonniers d’un territoire qui leur a été attribué. Les libertés individuelles ne seront pas les mêmes en fonction du territoire où vous vous trouverez.

Dans les premières zones, le moindre de vos faits et gestes (messages personnels inclus) sera observé et analysé par de grands serveurs CRM, aboutissement ultime des fantasmes des marketers publicitaires et qui proposeront une analyse comportementale personnalisée. Ainsi votre maman qui vous écrit car son chat a des problèmes de digestion, recevra dans sa boite aux lettres une réduction pour une boite de laxatif félin. Ca existe déjà. Ce qui n’existe pas encore, c’est une descente de police à votre domicile quand vous parlerez par visio-conf de votre collection de films téléchargés illégalement à vos amis de travail. Mais ça ne devrait tarder. Alors que le vrai pirate lui, fréquentant les zones de libertés digitales ne sera pas inquiété.

Les libertés individuelles du futur vont donc dépendre de votre connaissance de la technologie et des usages des territoires digitaux. Les geeks, nerds et autres explorateurs curieux auront plus de libertés que la population qui n’aura pas ces connaissances. Une des solutions évidentes pour préparer les libertés de demain est dans l’éducation.

Mais qui va éduquer ? Ceux qui ont voté pour Hadopi ? C’est pas gagné.

Heureusement pour moi, si il est trop tard pour des études d’avocat, je sais quand même crypter mon IP.

* Le terme “digital” est utilisé ici comme traduction du mot anglais digital (numérique). Numérique nous renvoyant à l’époque des autoroutes de l’informations (1995), nous lui préférons ce terme anglais, à la mode en ce moment. Les territoires digitaux regroupent le web, l’internet mobile, mais également les consoles permettant du jeux vidéos en réseaux, les objets connectés (Nabaztag, GPS, etc.)

> Illustrations par Andrea Vascellari, par niallkennedy et par ottonassar sur Flickr

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Twitter commence à vendre ses services aux médias http://owni.fr/2010/03/16/twitter-commence-a-vendre-ses-services-aux-medias/ http://owni.fr/2010/03/16/twitter-commence-a-vendre-ses-services-aux-medias/#comments Tue, 16 Mar 2010 19:50:02 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=10208 twitter-tipping-by-dan-taylor

Twitter est partout ! Il suffit d’observer le comportement quais obsessionnel des 15.000 participants à la conférence Interactive South by SouthWest, organisée cette semaine à Austin, au Texas: à chaque séance, ils sont quasi tous rivés sur leurs tableaux Tweetdeck ou pianotent sur leur applis iPhone. Impressionnant comment, faute de nouveauté marquante cette année, le petit oiseau bleu reste l’outil social de prédilection à “Geekland”!

Mais Twitter, qui grandit vite (140 employés) veut plus encore, comme me l’explique Robin Sloan, récemment embauché pour développer les partenariats avec les médias.

Il rencontre en ce moment les plus grands (journaux, télés…) pour leur monnayer l’accès direct à la source à “Fire Hose”: le robinet qui alimente la puissante lance à incendie qui crache 50 millions de tweets par jour !

L’intérêt? Détecter des breaking news, des tendances ou des pépites cachées avant tout le monde, se servir et intégrer les contenus générés par le public, mieux apprivoiser Twitter pour y mettre en valeur ses contenus. Les “hashtags”, mots-clés, les chaînes semblent ne plus suffirent plus pour trier efficacement, notamment dans les répétitions.

Google, Microsoft et Yahoo! ont récemment acheté le Fire Hose pour indexer et intégrer en temps réel les flux Twitter. D’autres le font aussi à des fins de recherche. L’autre source de financement à venir est bien sur la publicité qui devrait faire son apparition d’ici deux mois.

En ce moment, Twitter se développe plus vite à l’international qu’aux États-Unis, notamment au Brésil, au Japon, en Inde, en Indonésie, en Grande Bretagne et en France, où l’émission récente de France2 a provoqué un vrai pic de nouvelles inscriptions, raconte Sloan.

Il nous explique ici comment la prochaine Coupe du Monde de Football en Afrique du Sud va être en juin un grand moment Twitter:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

> Article initialement publié sur AFP Mediawatch

> Illustration CC Flickr dan taylor et swimparallel

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Context is King http://owni.fr/2009/11/18/context-is-king/ http://owni.fr/2009/11/18/context-is-king/#comments Wed, 18 Nov 2009 10:56:23 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=5557

Contexte, éditorialisation, intelligence, enrichissement journalistique et technologique des contenus, nouvelles valeurs ajoutées, sont aujourd’hui les dernières conditions de survie des médias traditionnels face aux ruptures qui brutalement les secouent depuis la fin du 20ème siècle.

Chacun sait aujourd’hui qu’il n’est plus possible de faire comme avant. Chacun sait que demain, qui arrive plus vite que prévu, ne sera plus comme avant l’Internet, il y a 15 ans, le Web 2.0, il y a 5 ans, ou la crise économique, cette année.


Nous devons réinventer nos métiers dans un cadre radicalement nouveau. Et commencer par admettre la sévérité de la situation et l’ampleur des mutations dans la production, la diffusion et la consommation d’informations:


1. La valeur économique des médias traditionnels (journaux papier, magazines, chaînes de télédiffusion, …) s’effondre par rapport aux nouveaux usages et comportements d’une société en plein bouleversement. Les ruptures ne sont pas seulement technologiques, elles sont aussi sociétales. Le public n’est plus le même. Le monde a changé.


2. Ce n’est plus l’offre qui crée la demande. Les niches remplacent les paquets ficelés généralistes. La destruction de valeur se fait au pas de charge, les modèles d’affaires sont mis en cause ou même brisés, de nouveaux acteurs s’emparent de positions, mais la création d’utilité publique est réelle (connaissances, partage, éducation, multiples sources spécialisées …) et la créativité bien vivante.


3. Les adversaires de la presse sont le temps non disponible, la fragmentation des contenus, et la prolifération, tout au long de la journée, des choix et des nouvelles sollicitations.


4. Comme d’autres institutions, l’autorité et le pouvoir d’influence des journalistes de grands médias sont depuis longtemps contestés par une société, où la confiance rejoue un rôle déterminant. Pire : ils ne déterminent plus, seuls, l’agenda de l’information.


5. Les nouvelles technologies creusent le fossé générationnel. Dans ce nouveau monde, les ignorer se fait à ses risques et périls. L’innovation y est la seule assurance-vie.


6. La concurrence ne vient pas de ses pairs mais de nouveaux acteurs et de centaines de petites unités, souvent encore indécelables.


7. Médias, informatique et télécommunications sont en train de fusionner à grande vitesse.


8. Les logiques de contrôle ne marchent plus, même si le besoin de garde-fous juridiques s’accroît. Il faut probablement lâcher prise avec dignité, et embrayer, dans cette nouvelle économie de la contribution, sur des logiques de coopération, de complémentarité et d’interaction.


9. Le secteur des médias perd pied beaucoup plus vite que le reste de l’économie. Les suppressions d’emplois y sont trois fois plus nombreuses.


10.Enfin, les points d’équilibre du vieux monde disparaissent plus vite que n’apparaissent ceux du nouveau.


La Contre-Réforme


Les Etats, les gouvernements, l’Union Européenne, reconnaissent tous être dépassés par l’effondrement de l’écosystème média du monde d’hier, et l’apparition brutale des nouveaux usages de l’économie numérique.


Ils n’ont pas les capacités d’analyse à la hauteur des dizaines de lobbystes lancés par Google à Bruxelles et à Washington, ou des énormes ressources financières des grands opérateurs de télécommunication à la manoeuvre.


Confrontés à la fin des incroyables années des baby-boomers, la tentation est grande pour les patrons de presse, qui se croyaient immortels, de jurer que le « balancier finira bien par revenir », d’ériger des murs, de « faire rentrer le génie dans la bouteille », de reprendre la main.


La volonté de « Restauration » d’un ordre ancien, alimenté par un mouvement classique de « Contre-Réforme », fait son apparition. « Ca tiendra bien jusqu’à ma retraite », « courbons le dos et attendons le web3 », « informer, c’est un boulot de journalistes », « il n’y a pas de révolution numérique », « qui se souvient des radios libres ? », « a-t-on bien fait d’aller sur le web ? », entend-on aujourd’hui du haut en bas de la hiérarchie d’un média traditionnel.


Alors, face à une culture de l’écran qui s’étendait déjà rapidement, il semblait logique, voici peu, de voir les dirigeants des opérations web prendre rapidement le pouvoir dans la presse. Il n’en est encore rien. Ni aux Etats-Unis, ni en Europe.


La transition vers le numérique est laborieuse : le web, qui ne représente qu’un peu plus de 10% des revenus, n’est toujours pas au centre des stratégies, et reste souvent comme un additif ennuyeux qu’il faut avoir. Pire : il est souvent bridé : « laissez les adultes s’occuper de cela ! » et la récession a freiné les ardeurs et ressources dévolues à cette diversification. Il reste difficile d’admettre qu’Internet est un média différent, que « le monde numérique est autre univers », avec ses propres ressorts sociétaux et culturels. Malheureusement aujourd’hui, soit on nie cette réalité, soit on la met sous le tapis. Comme dans la musique hier, le cinéma aujourd’hui et le livre demain.


Mais la tradition ne constitue pas un modèle économique. Et la bataille pour les modèles d’affaires de demain ne fait que commencer.


Chacun, pris de vitesse par la cavalcade technologique et la révolution des usages d’une audience « über-connectée », sent bien aussi que le changement permanent devient la nouvelle norme dans ces nouveaux territoires inconnus.


Doit-on résister au courant ou tenter de l’accompagner ?


Internet et le numérique sont déjà devenus les systèmes fondamentaux de distribution de contenus. Dans quelques années, prédit Google, il n’y aura plus de distinction entre les canaux de distribution TV, radio et web. Et donc plus de différence, en ligne, entre ces médias, ni d’ailleurs avec les journaux et les magazines qui offrent tous de la vidéo. Déjà, les professionnels ne parlent plus « TV » mais « vidéo » !

Après la musique et la presse, avant le livre, c’est au tour de la télévision de vivre les ruptures. Et il n’y a plus aujourd’hui de rédactions dans Fleet Street, qui fut depuis 1500, l’artère mythique de la presse britannique à Londres.


La grande déflation


Quand 325 millions de personnes ont une page Facebook, plus de quatre milliards de photos ont été téléchargées sur Flickr et que Twitter vaut pratiquement un milliard de dollars, chacun sent bien que les médias sociaux ne sont pas qu’une mode.


Avec les écrans tactiles et les applications iPhone (et bientôt la tablette Apple), l’Internet n’est plus un endroit où on se rend mais un environnement tout le temps présent autour de nous.


Les effets de levier des nouvelles technologies, les faibles coûts de distribution, diminuent la taille critique des médias numériques. L’ubiquité et l’instantanéité du web ont fait chuter la valeur de l’information. Même les cours boursiers en temps réel, qui coûtaient une fortune il y a quelques années, sont gratuits aujourd’hui.


Faire plus et mieux avec beaucoup moins, est à l’image des réussites de petites organisations au succès mondial qui fonctionnent à moins de 30 personnes, comme Twitter ou Craigslist (qui a réduit le secteur des petites annonces américaines de plusieurs milliards de dollars à une centaine de millions).


Révolution marxiste !


Jusqu’à la fin du 20ème siècle, seuls quelques milliers de personnes avaient la parole. Ils sont aujourd’hui des dizaines de millions ! Chaque semaine sortent de nouveaux outils d’auto-édition : après Facebook, Twitter et FriendFeed, voici Tumblr, Posterous, identi.ca, Plurk …

Tout le monde s’est mis échanger et rapporter des nouvelles, à analyser, à prendre des photos, à les poster sur le web. Les vieux médias ne gagneront plus cette bataille. Ils sont « désintermédiés », court-circuités, par le public, les politiques, les grandes entreprises, les sportifs, les acteurs…

C’est l’essor généralisé de la bande passante qui a totalement changé la donne : le web s’est démocratisé et n’est plus l’apanage du clergé médiatique.


Il est passé d’un mode de publication de documents produits pour une audience passive par quelques riches professionnels (broadcast), à une plateforme de communication multimédia mondiale de tous (multicast), et à une distribution massive légale et illégale de contenus, qui bouleversent tous les modèles économiques de la fourniture d’informations.


Jamais les gens n’ont cherché et consommé autant d’informations, mais les professionnels n’ont plus le monopole de la parole. Le public est actif et contribue. Près de 20% du temps passé sur Internet l’est dans les blogs et les réseaux sociaux. Wikipédia est de loin le premier site de news aux Etats-Unis. YouTube, Facebook, Twitter, qui entend devenir le pouls de la planète, sont devenus des sources, tout comme des milliers d’autres blogs, sites et services. L’origine de l’information compte moins qu’avant. Les marques, en tous cas les anciennes, attirent moins et sont moins importantes aux yeux des jeunes audiences, qui ont les leurs. L’importance croissante des réseaux sociaux rend moins pertinents les sites de destination.


Les médias ont aussi perdu le monopole de l’agenda de l’information. Les recommandations de ses proches, amis, collègues, dans les réseaux sociaux, sont plus importantes, sur Internet, que les éditoriaux de Libération ou du New York Times. Rejet des anciens prescripteurs et volonté de diversité dominent. La demande d’informations est forte mais les vieilles plateformes sont en train de mourir. Les vieux monopoles ont disparu.


Des centaines de millions de médias !


Progressivement, chacun construit sa propre chaîne d’informations, sur Internet et mobiles, composés de fragments de médias traditionnels, désagrégés ou picorés ici et là, mélangés entre eux (journaux, radios, TV…), mais aussi combinés à des blogs et à de multiples autres sources.

Chaque jour qui passe voit les contenus d’informations s’atomiser davantage. Comme dans la musique, où le CD a perdu face à iTunes (nous ne sommes plus forcés d’acheter 11 morceaux en plus de celui que nous voulions), chacun peut, avec de bons outils, faciles, gratuits, obtenir directement les flux désirés. Jusqu’ici, les journaux nous obligeaient à acheter un ensemble dont nous ne souhaitions pas nécessairement tout. Dans les deux cas, notons que la dématérialisation est au rendez-vous, avec la disparition physique des supports.

La crise actuelle accélère la migration numérique, qui permet au public de contrôler le moment et le lieu de consommation de contenus. La consommation d’informations est aussi plus réfléchie.


De plus en plus de journalistes développent, de gré ou de force, de développer leur propre marque, de travailler sous leurs propres couleurs, seuls ou en petits groupes. Le journalisme de qualité n’est plus l’apanage de grands groupes de médias. De nouveaux acteurs inventent, avec facilité et jubilation, la grammaire des médias, des échanges, de la circulation de l’information de demain. Ils le font gratuitement, car le média est excitant et qu’il y a des places à prendre ! La révolution de l’information est terminée : chacun est devenu un média !


Les médias traditionnels se retrouvent donc coincés entre les concurrences de millions d’acteurs individuels, et des géants aux ressources mille fois plus importantes qu’eux, qui entendent bien profiter de l’appétit du public pour l’information : après Google, Microsoft, Yahoo, Orange, AOL veulent être des mass media sociaux. Médias, informatique et telcos convergent.

Et au lieu de travailler ensemble, ils restent « la tête dans le guidon », obsédés par l’urgence de leurs revenus à court terme, voire désormais, leur survie.


L’Internet aussi vital que l’eau ou le gaz !


Mais l’informatique et le numérique gagnent du terrain dans le monde physique.


Européens, Américains, Japonais ou Chinois ignorent d’ailleurs la crise pour leurs dépenses multimédias. L’information en mobilité domine désormais : les constructeurs vendent plus de « smartphones » ou de « laptops » que d’ordinateurs de bureaux. Des ordinateurs ultra low cost envahissent le marché. Demain, le tsunami de « l’ebook » et des tablettes va déferler.

Après les réseaux sociaux il y a deux ans, le « cloud computing » en 2008, l’heure est au web en temps réel et au « streaming », nouveau casse-tête des producteurs pour protéger leurs contenus. Avec le web, les informations étaient disponibles 24/7, désormais elles le sont quasiment en direct.


En passant, Twitter et consors donnent un sérieux coup de vieux à l’email qui n’est plus, et de loin, le seul outil en ligne de partage et de communication. Dans le même temps, les journaux deviennent des magazines. Et fort du succès de Hulu, tout le monde veut aller dans la vidéo sur le web !


« L’Internet est devenu aussi vital que l’eau ou le gaz », commentait en juin le Premier ministre britannique. La Finlande est devenue le 1er pays à faire de l’accès au « broadband » un droit.


De petites structures deviennent performantes. Le site d’enquêtes journalistiques ProPublica réalise des articles pour le New York Times, tout comme le site Spot.us. Après quatre ans d’existence, le blog américain d’informations Huffington Post a dépassé en audience le site du Washington Post. Toutes les semaines, de petites structures éditoriales se montent dans les grandes villes américaines : hier à Washington, aujourd’hui à Seattle ou au Texas.


Le vieux monde se délite beaucoup plus vite que ne se bâtit le nouveau


Pire que les banques ! Depuis l’an 2000, la destruction de valeur dans les grands groupes de médias américains atteint 200 milliards de dollars !


Les raisons principales en sont l’essor exponentiel de contenus sur Internet où tout le monde est concurrent, un marché publicitaire dévasté, en volume et en tarifs, pour plusieurs années, et des consommateurs qui changent radicalement leurs habitudes. La faute aussi au vieux confort des monopoles.


2009, année brutale, aura été la pire pour les médias traditionnels depuis des décennies : entre 1929 et 1933, aux USA, la publicité avait chuté de 13% et moitié moins après le 1er choc pétrolier des années 70.


En 2009, la dégringolade est de 25% en moyenne. La chute des médias est supérieure d’un tiers à celle des PIB. Dans les journaux US, la pub est revenue à son niveau de …1965, et les professionnels de la télévision, réalisent que la publicité ne paiera plus toutes les factures, et qu’il est suicidaire de ne dépendre que d’une source de revenus. 10 ans après les journaux, les télévisions derniers voient décliner aujourd’hui inexorablement leur coeur de métier. La notion de chaînes disparaît.


Dans la publicité, des signes de stabilisation, voire d’amélioration, apparaissaient ici et là fin 2009, mais chacun assure qu’elle ne retrouvera pas son niveau d’avant la crise, surtout pour les journaux, qui, tous en France, auront perdu de l’argent en 2009.

En ligne, où surgit d’ailleurs aussi le publicitaire-citoyen, elle continue de progresser : pour la première fois, elle aurait dépassé en Grande-Bretagne la télévision pour en devenir le 1er support. Mais la monétisation des audiences y reste problématique. Les professionnels en sont convaincus : les bannières et les CPM en ligne ne sauveront pas les médias traditionnels. La publicité ne va plus sur l’information mais sur « l’entertainment ». Est-ce le métier d’Adidas de financer une rédaction à Kaboul ?

L’idée de financer des sites d’informations par de la publicité est donc déjà de l’histoire ancienne.


En terme de trafic, les plus grands sites de journaux semblent être arrivés à un point de saturation, et commencent à voir grignoter leur position dominante. Pire : le temps passé sur les sites des journaux baisse dangereusement. La lecture des blogs de qualité est devenue « mainstream ».


D’ailleurs, les nouveaux « pure players » d’informations ont aussi du mal : l’un des meilleurs sites mondiaux, l’espagnol Soitu.es, a du fermer ses portes en octobre en raison de la crise, tout comme l’allemand NetZeitung. Et, pour l’instant, Twitter gagne toujours moins d’argent que les journaux !


Web payant ? Moment de vérité imminent


Nous approchons donc du moment de vérité pour voir si le retour du payant sur le web est possible. Des deux côtés les positions sont tranchées : « sans paiement, des médias mourront ». Et il est très possible de faire payer: regardez Canal Plus qui a fait payer la télévision, ou plus simplement, l’eau minérale en bouteille ! En face, la réponse est cinglante : « sur le web, si vous faites payer, vous accélérez votre disparition ! ».


En fait, il n’y a aujourd’hui aucune solution miracle. Pour l’instant tout le monde dit qu’il fera payer en 2010, et quasi personne ne le fait, ou très progressivement.


En cette fin 2009, de nombreux éditeurs commencent à flancher et à craindre de perdre leurs audiences en ligne. Même Murdoch n’est plus sûr de tenir son échéance de juin prochain. Les mouvements de menton visaient avant tout les agrégateurs et les parasites, car reconstruire des murs pose beaucoup de problèmes.


Il est très difficile de faire revenir en arrière les gens, désormais plus habitués à accorder de la valeur à des supports physiques qu’immatériels. Très difficile aussi d’aller contre le courant des nouvelles pratiques et usages de la révolution numérique (facilité d’accès, partage, collaboration, open source, interactions fréquentes…). Très difficile, enfin, de se battre contre la gratuité des concurrents, financés par la publicité (CNN) ou l’Etat (BBC).


De deux choses l’une : ou tout le monde le fait en même temps, ou celui qui pose des barbelés doit proposer des contenus à très forte valeur ajoutée qui ne sont pas gratuits ailleurs, des contenus « frais », exclusifs (même quelques heures).


Oui, la valeur est dans les barrières, mais pas dans des murs érigés contre son audience : le public n’est pas prêt à payer pour des contenus qu’il ne regardait même pas quand ils étaient gratuits. Elle est dans des barrières dressées à l’entrée de ses concurrents, dans des nouveaux contenus qui répondent aux nouvelles attentes, dans des services qui les intègrent, les agrègent, les enrichissent, les analysent, les distribuent autrement.


Mais même l’ajout de contenus premium payants ne sera pas suffisant. Il faudra davantage.

Davantage, ce seront des sources de revenus en dehors du coeur de métier, mais surtout des nouvelles valeurs ajoutées, des services uniques que le public sera prêt à payer. Des services liés aux nouvelles technologies, à la mobilité, à l’accès, à de nouvelles manières de montrer l’information.


Davantage, ce seront des contributions directes de l’audience au média, une contribution de fondations, des citoyens, voire même de l’Etat par des subventions, comme n’hésitent plus à le dire des responsables aux Etats-Unis, voire à le faire comme au New Hampshire, pour défendre l’Information, bien public consubstantiel de la démocratie.


L’information accessible en mobilité (smart phones, e-book) est à cet égard un des grands espoirs des éditeurs car le paiement y est plus naturel, voire indolore.


Context is King !


Le premier mythe à combattre dans une économie de l’abondance : le contenu est roi ! Non ! Aujourd’hui, plus encore qu’hier, c’est le contexte, l’éditorialisation, la contextualisation, l’intelligence, la valeur ajoutée, la spécialisation, l’explication, les liens, la réduction de la complexité et de « l’infobésité ». Un vrai travail de médiateur, de média pour relier les connaissances et transformer l’information en savoir.


Le prix des news tend vers zéro, mais l’enrichissement et le contexte peuvent encore être payant.


C’est le contexte éditorial (« connect the dots ») qui nous permettra de comprendre le sens de sujets de plus en plus complexes et de résoudre des problèmes. Il n’y pas d’instantanéité dans les informations-clés de nos sociétés, dans les grandes tendances, dans les signaux importants, mais masqués ou dans les angles morts.


C’est le contexte technologique, donc l’accès aux informations, qui sera aussi déterminant. Reuters et Bloomberg l’ont compris depuis longtemps. Apple en est le champion aujourd’hui. Il faudra chercher à profiter des avantages d’interactivité et de personnalisation des nouveaux médias, et des possibilités du web sémantique.

N’est ce pas aussi la pertinence des contenus qui fait défaut aujourd’hui? Et avec elle la preuve de leur valeur ajoutée. L’ubiquité des contenus actuels est-elle réellement réclamée par le public? En d’autres termes, le public ne veut-il pas davantage un meilleur journal que le même contenu sur un lecteur e-book ? Faut-il, pour réussir, tenter absolument de tout faire pour tout le monde? Même sur le web, le succès passe par des niches et des verticaux (politique, environnement, sport …)

La valeur est bien dans la rareté, l’accès, le confort d’usage, le tri, le filtrage, la présentation, la personnalisation, le contexte donné à un contenu, qui ne doit plus être un produit mais un service. C’est accompagner l’audience dans sa consommation d’informations, avec des réponses à ses questions, dans une relation plus partenariale. Les gens sont aussi prêts à payer avec leur temps et leur savoir. Les réseaux sociaux ne sont pas du contenu, mais des plateformes de communication, des supports de contenus.


On le comprend, faute de modèle économique pertinent sur le web, l’orientation générale, qui se dessine et qui ne fait que commencer, nous amène, à court terme, vers des modèles hybrides, combinant gratuit, publicité, services liés à l’engagement de l’audience autour de la marque, services premium, revenus tiers, contenus payants sur mobiles, contributions directes de l’audience, aide publiques.


Quel nouveau journalisme ?


Dans le même temps, les emplois de journalistes disparaissent, dans cette crise économique, trois fois plus vite que les autres. Les coupes claires dans les coûts et les effectifs (bizarre quand même de se séparer des actifs les plus précieux), et les demandes de produire toujours plus en moins de temps, ont dégradé la qualité du journalisme et banalisé les contenus, les rendant encore moins attrayant pour le public. Les secteurs les plus touchés sont l’international, l’enquête, les contenus originaux et exclusifs.

Les rédactions, dépossédées de leur magistère, confrontées à des injonctions paradoxales et aux réactions brutales de leurs audiences changeantes, vivent souvent mal l’essor d’Internet qui, les sortant de leur zone de confort, continue de semer la panique, alimentant chaque jour un peu plus les problèmes culturels, qui freinent les efforts d’adaptation des entreprises.

A tous les niveaux, chacun se bat avec les mêmes questions : comment concilier contenus payants et gratuits ? Comment améliorer les liens entre les services techniques et la rédaction, entre le print et le web ? Quelles stratégies choisir pour les mobiles et les e-book ? Comment engager davantage l’audience en ligne et créer des contenus pertinents ?

C’est “le sauve qui peut”, dit le directeur d’un grand journal parisien. Personne, ou presque, ne veut plus prendre de responsabilités.

Nombreuses sont les interrogations sur la manière dont vont évoluer les métiers du journalisme, qui demeure un mode de représentation du réel (comme la photographie, le cinéma, la littérature, la peinture, la sculpture, voire la philosophie ou la psychanalyse). C’est la rapidité et l’ampleur des changements qui ont touché le secteur dans un laps de temps très court, plus que leur nature, qui inquiète.


Les journalistes devront sans faire moins, mais très certainement, faire mieux. Ils vont aussi devoir abandonner un peu leur stylo pour de nouveaux outils. De plus en plus nombreux sont ceux qui se mettent à la vidéo légère.


Nombreux aussi sont ceux, qui vont travailler pour des fondations, des ONG, ou partent créer leur structure éditoriale sous leur propre marque.


En 2009, les journalistes, qui avaient tendance être de plus en plus déconnectés du public, « se prennent désormais leur audience dans la figure » et ont, en tout cas, commencé à réaliser l’importance d’inter agir avec elle.


Les médias sociaux font partie du quotidien des rédactions et effraient moins. Les journalistes savent que là se trouve une bonne partie de leur audience Internet. C’est là aussi que chaque « grosse histoire » est désormais commentée. Mais ils doivent aussi penser mobiles, Twitter, coopération avec le public, infographie animée et interactive, visualisation de données (transformer des statistiques en savoir) …Le marketing éditorial n’est pas loin.


Et puis, si tout le monde est devenu un média, le bon usage des outils de production et de diffusion peut devenir une matière obligatoire à l’école ! Ce qu’on appelle en anglais la « Media literacy » et où les professionnels ont un rôle à jouer.


Demain : la réalitée augmentée, les capteurs


Le buzz de fin 2009 est bien sûr autour de l’ebook, qui pourrait à terme offrir de belles opportunités. Gardons-nous, dans l’immédiat, d’y placer trop d’espoirs tant que le prix unitaire des liseuses ne baissera pas, tant que leur manipulation ne sera pas plus aisée, voire que la couleur et la vidéo n’apparaissent, et surtout qu’Amazon ou Apple ne desserrent leur étreinte sur les prix imposés. Apple, avec sa future tablette, pourrait mettre tout le monde d’accord, et surtout attirer les jeunes, car les liseuses électroniques ne semblent pour l’instant séduire que les … seniors.


Après le tactile, l’écran flexible pourrait aussi être disponible dans quelques mois. Les éditeurs se mettent petit à petit à faire des expérimentations avec des applications en réalité augmentée, surtout via les mobiles.


A moyen terme, la plus grande révolution sera probablement, « le Web au carré » : 5 ans après le web 2.0, le web commence à rencontrer le monde physique, grâce à une multitude de senseurs et de capteurs, sans intervention humaine explicite (géolocalisation, caméra sur téléphones, proximité, directions, réalité augmentée…) qui mettent en relations des informations de la vie quotidienne et des bases de données. A coup sûr, la multiplication des capteurs va modifier l’interaction de l’homme avec son environnement et aura un impact important sur la collecte d’information.


D’ici 5 ans, les accès « broadband » seront non seulement généralisés, mais aussi bien meilleurs, et les smart phones seront partout. La « killer app » des médias de demain sera comme toujours un grand contenu facile d’accès. Il faudra un peu de temps pour la trouver. Mais les périodes de crise sont les plus propices à la réflexion et à l’expérimentation. Après tout, pendant des années, Gutenberg n’a imprimé que la Bible.


Le papier sera-t-il alors devenu un refuge « rétro chic » pour bobos ?

»Article initialement publié sur AFP Mediawatch


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