Des frontières au bout du fil

Le 11 janvier 2011

La pertinence du tracé administratif des territoires anglais à l'aune des conversations téléphoniques: telle est l'idée originale de chercheurs, qui ont confronté zones de communications et régions historiques.

Analyser des données téléphoniques peut-il nous permettre de mieux comprendre la pertinence de nos frontières administratives ? C’est la question que ce sont posés des chercheurs du département réseau et société du Senseable City Lab du MIT, de Cornell, de British Telecom et du collège universitaire de Londres dans une étude (vidéo) qui a comparé des données de télécommunications avec les frontières administratives britanniques. Leurs conclusions montrent que le cloisonnement politique existant se retrouve pour l’essentiel dans nos communications.

Image : De la cartographie des communications aux frontières régionales de nos échanges.

En analysant des milliards d’échanges téléphoniques, les chercheurs ont constitué une carte montrant l’intensité des échanges entre les différentes régions d’Angleterre, selon le volume des informations qu’elles échangent. Ils ont ensuite développé un algorithme permettant de diviser la carte en régions selon le volume des échanges permettant de mettre en avant le volume des connexions à l’intérieur d’une région par rapport au volume des connexions entre régions.

Coïncidence des interactions et de la partition administrative

Ils ont mis en évidence le fait que la partition des échanges correspondait pour la plupart avec les partitions administratives, géographiques et historiques existantes. A quelques exceptions près cependant : une partie du pays de Galles a de plus fortes relations avec des villes de l’ouest de l’Angleterre qu’elle n’en a avec le reste du pays de Galles…

“Cette étude nous permet de comprendre l’interaction entre les institutions géographiques et sociales que nous construisons”, estime Carlo Ratti, directeur du Senseable City Lab du MIT. En permettant de mieux identifier les régions réelles, c’est-à-dire telles que les gens les vivent dans leurs échanges et leurs déplacements, nous pourrions construire une meilleure gouvernance, estime le chercheur. Cependant, il n’est pas surprenant que le résultat de l’algorithme de partitionnement dessine un miroir des limites politiques actuelles de la Grande-Bretagne, souligne Carlo Ratti. Après tout, si les communautés ont été regroupées culturellement et politiquement depuis des siècles, cela leur donne également de bonnes raisons pour échanger des informations d’abord et avant tout en leur sein.

En science des réseaux, les algorithmes de partitionnement sont pourtant souvent indifférents à la géographie : il serait ainsi parfaitement acceptable de réunir New York et Los Angeles à regarder le volume des données que les deux villes échangent. Ce n’est visiblement pas le cas en Grande-Bretagne.

L’analyse des flux d’informations ne redessinera pas les frontières administratives, bien sûr, mais elle peut être un outil dans la compréhension de leur pertinence ou de leur inexistence. On a hâte de voir une telle étude étendue aux régions françaises.

Article initialement publié sur InternetACTU sous le titre “Nos frontières politiques éclairées par nos échanges”.

Illustration CC FlickR: rbrwr

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